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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
1 octobre 2013

LA REPARATION DES TORTS

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Après avoir satisfait Dieu, il faut encore satisfaire à notre prochain pour le tort que nous lui avons fait, soit au corps, soit à son âme. Je dis que l’on fait tort dans son corps, c’est-à-dire en sa personne, en l’outrageant tantôt par des paroles injurieuses ou méprisantes, tantôt par des mauvais traitements. Si nous avons eu le malheur de l’outrager par des paroles injurieuses, il faut lui faire des excuses et se réconcilier avec lui. Si on lui avait fait tort en frappant ses bêtes, ce qui peut arriver lorsqu’on les trouve à nous faire quelque dégât dans nos récoltes, vous êtes obligé de lui donner tout ce que vous êtes cause qu’elles ont perdu : vous pouviez vous faire payer et non maltraiter ces bêtes. Si vous avez fait quelque tort, vous êtes obligé de le réparer aussitôt que vous le pourrez, sans quoi vous êtes grandement coupable. Si vous avez négligé de le faire, vous avez péché et vous devez vous en accuser. Si vous avez fait tort à votre prochain dans son honneur, comme si c’était par médisance, vous êtes obligé de dire de bons renseignements  autant que de mauvais que vous avez pu en donner, en disant tout le bien que vous pourrez savoir, en cachant les défauts qu’il pourrait avoir, que vous n’êtes pas obligé de dévoiler. Si vous l’avez calomnié, vous devez aller trouver les personnes auprès desquelles vous avez dit des choses fausses de votre prochain et leur dire que tout ce que vous avez dit n’est pas vrai : que vous en êtes bien fâché, que vous les priez de ne pas les croire. Mais si vous lui avez fait tort dans son âme, c’est encore bien plus difficile à réparer, cependant, il faut le faire autant qu’on le peut, sans quoi jamais le bon Dieu ne nous pardonnera.

Il faut bien vous examiner si vous n’avez point donné de scandale à vos enfants ou à vos voisins. Combien de pères et de mères, de maîtres et de maîtresses qui scandalisent leurs enfants et leurs domestiques en ne faisant de prière, ni le matin ni le soir, ou qui les feront en s’habillant, ou couchés sur une chaise, qui ne feront pas même un signe de croix avant et après avoir mangé. Combien de fois les entendent-ils jurer et peut-être même blasphémer. Combien de fois vous ont-ils vu travailler le dimanche matin, même avant la sainte messe. Il faut encore examiner si vous avez chanté de mauvaises chansons, si vous avez apporté de mauvais livres, si vous avez donné de mauvais conseils, comme en disant à quelqu’un de se venger, de se payer de ses mains ou de dire des injures au prochain. Vous devez encore vous examiner si vous n’avez pas emprunté des objets de votre voisin que vous avez négligé de rendre ; si vous avez négligé de faire quelque aumône que l’on vous avait commandée ou quelques restitutions de la part de vos pauvres parents morts. Il faut pour avoir le bonheur que vos péchés vous soient pardonnés, que vous n’ayez rien du bien du prochain que vous devez et pouvez lui rendre. Que si vous avez noirci sa réputation, il faut que vous ayez fait tout ce que vous avez pu pour le réparer. Il faut vous être réconcilié avec vos ennemis, leur parler comme s’ils ne vous avaient fait que du bien toute votre vie, sans rien conserver dans votre cœur que la charité qu’un bon chrétien doit avoir pour tout le monde. Afin que nous puissions tous paraître avec confiance au Tribunal de Dieu. C’est le bonheur que…

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1 octobre 2013

PENITENCE ET CORRECTION

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Mais dites-moi, mes frères, quelles sont les pénitences que l’on donne ? Hélas ! Quelques chapelets, quelques litanies, quelque aumône, des petites mortifications. Dites-moi, toutes ces choses ont-elles quelque proportion avec nos péchés  qui méritent des tourments qui ne finiront jamais ? Il y en a qui font leur pénitence en marchant ou assis, cela n’est pas à faire. Votre pénitence, vous devez la faire à genoux, à moins que le prêtre ne vous dise que vous pouvez la faire en marchant, ou assis. Si cela vous est arrivé, vous devez vous en confesser et ne plus y retourner. En deuxième lieu, je dis qu’il faut la faire dans un temps marqué, sans quoi vous péchez, à moins que vous ne puissiez pas faire autrement, et le dire à votre confesseur lorsque vous y retournez. Par exemple, il vous aura ordonné de faire une visite au Saint Sacrement après les offices, parce qu’il sait que vous allez dans des compagnies qui ne vous porteront pas au bon Dieu. Il vous aura commandé de vous mortifier en quelque chose dans vos repas, parce que vous êtes sujet à la gourmandise ; de faire un acte de contrition si vous avez le malheur de retomber dans le péché que vous avez déjà confessé. Ou bien lorsque d’autres fois vous attendez pour faire votre pénitence le moment où vous êtes prêt d’aller vous confesser. Vous comprenez aussi bien que moi que, dans tous ces cas-là, vous êtes bien coupable, et que vous ne devez pas manquer de vous en accuser et de ne plus y retourner. En troisième lieu, je dis qu’il faut faire votre pénitence dévotement, c’est-à-dire avec piété dans une disposition sincère de quitter le péché. La faire avec piété, mes frères, c’est la faire avec attention du côté de l’esprit et dévotion du cœur. Si vous faisiez votre pénitence avec des distractions volontaires, vous ne l’auriez pas faite, vous seriez obligé de la refaire. S’en acquitter avec piété, c’est la faire avec une grande confiance que le bon Dieu nous pardonnera nos péchés par les mérites de Jésus Christ qui a satisfait pour nous par ses souffrances et sa mort sur la croix. Nous devons la faire avec joie, ravis de pouvoir satisfaire à Dieu que nous avons offensé et de trouver des moyens si faciles de pouvoir effacer nos péchés qui mériteraient de nous faire souffrir pendant toute l’éternité. Une chose que vous ne devez jamais oublier, c’est que toutes les fois que vous faites votre pénitence, vous devez dire à Dieu : Mon Dieu ! J’unis cette légère pénitence à celle que Jésus Christ mon Sauveur vous a offerte pour mes péchés. Voilà qui rendra votre pénitence méritoire et agréable à Dieu. Je dis encore que nous devons accomplir notre pénitence avec un vrai désir de quitter le péché tout à fait, quoi qu’il nous en coûte, fallût-il même souffrir la mort. Si nous n’étions pas dans ces dispositions, bien loin de satisfaire à la justice de Dieu, nous l’outragerions de nouveau, ce qui nous rendrait encore plus coupables.

J’ai dit que nous ne devons pas nous contenter de la pénitence que le confesseur nous impose, parce qu’elle n’est rien, ou presque rien, si nous la comparons à ce que méritent nos péchés. Si le confesseur nous ménage si fort, ce n’est que dans la crainte qu’il a de nous dégoûter de travailler à notre salut. Si vous avez véritablement votre salut à cœur, vous devez vous imposer des pénitences vous-mêmes. Voici celles qui vous conviennent le mieux. Si vous avez eu le malheur de donner scandale, il faut vous faire si vigilant, que votre prochain ne puisse rien voir en vous qui ne le porte au bien ; il faut que vous montriez par votre conduite que votre vie est vraiment chrétienne. Et si vous avez eu le malheur de pécher contre la sainte vertu de pureté, il faut mortifier ce misérable corps par des jeûnes, en ne lui donnant que ce qu’il faut pour ne pas lui ôter la vie, et qu’il puisse remplir son devoir ; et le faire de temps en temps coucher sur la dure. Si vous vous trouvez d’avoir quelque chose à manger qui flatte votre gourmandise, il faut le refuser à votre corps et le mépriser autant que vous l’avez aimé : il voulait perdre votre âme, il faut que vous le punissiez. Il faut que souvent votre cœur qui a pensé à des choses impures, porte vos pensées dans l’enfer, qui est le lieu réservé aux impudiques. Si vous êtes attaché à la terre, il faut faire des aumônes autant que vous le pourrez pour punir votre avarice, en vous privant de tout ce qui ne vous est pas absolument nécessaire pour la vie. Avons-nous été négligents dans le service de Dieu, imposons-nous, pour faire pénitence, d’assister à tous les exercices de piété qui se font dans notre paroisse. Je veux dire à la messe, aux vêpres, au catéchisme, à la prière, au chapelet, afin que Dieu, voyant notre empressement, veuille bien nous pardonner toutes nos négligences. Si nous avons quelque moment entre les offices, faisons quelque lecture de piété, ce qui nourrira notre âme, surtout lire quelques vies de saints où nous voyons ce qu’ils ont fait pour se sanctifier. Cela nous encouragera. Faisons quelque petite visite au saint Sacrement pour lui demander pardon des péchés que nous avons commis, pendant la semaine. Si nous nous sentons coupables de quelque faute, allons-nous en délivrer, afin que nos prières et toutes nos bonnes œuvres soient plus agréables à Dieu et plus avantageuses à notre âme. Avons-nous l’habitude de jurer, de nous emporter ? Mettons-nous à genoux pour redire cette sainte prière : « Mon Dieu ! Que votre saint nom soit béni dans tous les siècles des siècles. Mon Dieu ! Purifiez mon cœur, purifiez mes lèvres afin qu’elles ne prononcent jamais des paroles qui vous outragent et me séparent de vous. » Toutes les fois que vous retomberez dans ce péché, il faut, sur le champ, ou faire un acte de contrition, ou donner quelques sous aux pauvres. Avez-vous travaillé le dimanche ? Avez-vous vendu ou acheté ce saint jour sans nécessité ? Donnez aux pauvres une aumône qui surpassera le profit que vous aurez fait. Avez-vous bu ou mangé avec excès ? Il faut que dans tous vos repas, vous vous priviez de quelque chose. Voilà, mes frères, des pénitences qui, non seulement peuvent satisfaire à la justice de Dieu, si elles sont unies à celles de Jésus Christ, mais qui peuvent encore vous préserver de retomber dans vos péchés. Si vous voulez vous comporter de cette manière, vous êtes sûrs de vous corriger avec la grâce du bon Dieu.

1 octobre 2013

LES CONFESSIONS D’UN AN

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Si les Pâques étaient prolongées jusqu’à la Pentecôte, vous ne vous confesseriez qu’à la pentecôte, ou que si elles ne venaient que tous les dix ans, vos ne vous confesseriez que tous les dix ans ; et enfin, que si l’Eglise ne vous en faisait pas un commandement, vous ne vous confesseriez qu’à la mort. Qu’en pensez-vous, mon frère ? N’est-ce pas, mon ami, que ce n’est ni le regret d’avoir offensé Dieu qui vous fait vous confesser, ni l’amour de Dieu qui vous fait faire vos Pâques ?

« Ah ! Me direz-vous, c’est bien quelque chose, nous ne les faisons pas sans savoir pourquoi. »

Ah ! Vous n’en savez rien du tout ; vous les faites par habitude, pour dire que vous avez fait vos Pâques, ou, si vous vouliez dire la vérité, vous diriez que vous avez ajouté à vos anciens péchés un péché nouveau. Ce n’est donc ni l’amour de Dieu ni le regret de l’avoir offensé, qui vous fait confesser et faire vos Pâques, ni même le désir de mener une vie plus chrétienne. En voici la preuve : si vous aimiez le bon Dieu, pourriez-vous consentir à commettre le péché avec tant de facilité, et même avec tant de plaisir ? Si vous aviez horreur du péché, comme vous devriez l’avoir, pourriez-vous le garder un an entier sur votre conscience ? Si vous aviez un vrai désir de mener une vie plus chrétienne, ne verrait-on pas au moins quelque petit changement dans votre manière de vivre ? Non, mes frères, je ne veux pas vous parler aujourd’hui de ces malheureux qui ne disent que la moitié de leurs péchés, crainte de ne pas faire leurs Pâques ou d’être renvoyés ; peut-être même pour couvrir leur vie honteuse du voile de la vertu ; et qui, dans cet état, s’approchent de la table sainte et vont consommer leur réprobation, livrer leur Dieu au démon, et vomir leur maudite âme en enfer.

Non, j’ose espérer que cela ne vous regarde pas ; mais cependant, je continuerai à vous dire que les confessions d’un an n’ont rien qui puissent vous tranquilliser.

1 octobre 2013

OU VAS-TU PERDRE TON AME ?

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Ah ! Qui ne serait pas touché ?... Un Dieu qui pleure la perte d’une âme avec tant de larmes, qui ne cesse de lui crier : mon ami, mon ami, où vas-tu perdre ton âme et ton Dieu ? Arrête ! Arrête ! Ah ! Regarde mes larmes, mon sang qui coule encore : faut-il que je meure une seconde fois pour te sauver ? Me voici. Oh ! Anges du ciel, descendez sur la terre, venez pleurer avec moi la perte de cette âme ! Oh ! Qu’un chrétien est malheureux s’il persévère encore à courir vers les abîmes, malgré la voix que son Dieu lui fait entendre continuellement !

Mais, me direz-vous, personne ne nous tient ce langage.

Oh ! Mon ami, si vous ne vouliez pas boucher vos oreilles, vous entendriez sans cesse la voix de votre Dieu qui vous poursuit. Dites-moi, mon ami, que sont donc ces remords de conscience lorsque vous êtes tombé dans le péché ? Pourquoi donc ces troubles, ces tempêtes qui vous agitent ? Pourquoi donc cette crainte et cette frayeur où vous êtes, où vous semblez être sans cesse prêt à être écrasé par les foudres du ciel ? Combien de fois n’avez-vous pas ressenti, même en pêchant, une main invisible qui semblait vous repousser en vous disant : Malheureux, que fais-tu ? Malheureux, où vas-tu ? Ah ! Mon fils, pourquoi veux-tu te damner ?... Ne conviendrez-vous pas avec moi qu’un chrétien qui méprise tant de grâces, mérite d’être abandonné et réprouvé, parce qu’il n’a pas écouté la voix de Dieu, ni profité de ses grâces ? Mais non, mes frères, c’est Dieu seul que cette âme ingrate méprise et à qui elle semble vouloir ôter la vie. Et toutes les créatures demandent vengeance et c’est précisément Dieu seul qui veut la sauver, et s’oppose à tout ce qui pourrait lui nuire, en veillant à sa conservation comme si était seule dans le monde, et que son bonheur dépendît du sien.

1 octobre 2013

CHANGEZ VOTRE ARBRE DE TERRE

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Voyez maintenant, mes frères, les bonnes œuvres que vous avez faites. Les avez-vous faites uniquement pour Dieu, de sorte que le monde n’y ait été pour rien, et que jamais vous n’avez été fâchés de les avoir faites à cause de ces quelques retours d’ingratitude que l’on vous a fait essuyer ? Vous êtes-vous jamais applaudis en vous-mêmes du bien que vous avez fait, rendu au prochain ? Parce que, si tout cela vous est arrivé, ou vous n’avez rien fait, ou il faut tout compter comme pour rien, parce que vous en avez déjà perdu la récompense. Savez-vous mes frères, le parti que vous avez à prendre ? Si vous n’avez rien fait, ou si ce que vous avez fait est perdu pour quelque vue humaine, commencez de suite, afin qu’à la mort, vous puissiez vous trouver encore quelque chose à présenter à Jésus Christ pour qu’il vous donne la vie éternelle.

« Mais, me direz-vous peut-être, je n’ai fait que du mal pendant toute ma vie. Je ne suis qu’un mauvais arbre qui ne peut plus porter de bon fruit. »

Mes frères, cela se peut encore, et je vais vous l’apprendre. Changez cet arbre de terre, arrosez-le avec d’autre eau, fumez-le avec d’autres engrais, et vous verrez que vous porterez du bon fruit, quoique vous en ayez porté de bine mauvais jusqu’à présent. Si cet arbre, qui est vous-mêmes, a été fertile en orgueil, en avarice et en impureté, vous pouvez faire, avec la grâce du bon Dieu, que ses fruits deviennent abondants en humilité, en charité et en pureté. Faites-le vous-mêmes comme la terre qui, avant le déluge, tirait de son sein l’eau pour s’arroser elle-même, sans avoir recours aux nuées du ciel, pour lui donner la fécondité. De même, mes frères, tirez de votre propre cœur cette eau salutaire qui en changera les dispositions. Vous l’aviez arrosé avec l’eau bourbeuse de vos passions. Eh bien ! A présent, arrosez-le avec les larmes du repentir, de la douleur et de l’amour, et vous verrez que vous cesserez d’être un mauvais arbre, pour en devenir un qui portera du fruit pour la vie éternelle. Pour vous montrer mes frères, que cela se peut très bien, en voici un exemple admirable dans la personne de sainte Madeleine. Voyez, d’après Jésus Christ même, combien elle était un mauvais arbre et ensuite, combien la grâce en a fait un bon arbre, qui a porté du bon fruit avec abondance. Saint Luc nous dit qu’elle était une pécheresse, et connue pour telle dans toute la ville de Jérusalem. Je vous laisse à penser ce que ces paroles, sorties de la bouche de Jésus Christ même, veulent nous dire. C’était une jeune fille née avec les passions  les plus vives, une beauté extraordinaire, de grands biens : ce qui est un feu qui allume encore davantage les passions, qui les nourrit et les engraisse continuellement. Elle avait un grand attrait pour les plaisirs du monde, un goût extrême pour les modes et un grand désir de plaire ; de sorte que ses pensées et tous ses soins étaient employés à cela. Un air peu modeste annonçait déjà d’avance que son innocence ne tarderait pas de faire naufrage. Vaine idole du monde, elle cherche autant qu’elle peut à lui plaire, soit dans ses regards enflammés par un feu impur qui sort du fond de son cœur, soit dans toutes ses démarches et cet air efféminé qui paraît sur son front. Tout cela annonce un arbre qui ne peut porter que de biens mauvais fruits. Elle reçoit avec une complaisance incroyable les profanes regards des mondains. Elle reçoit avec amour propre les fades éloges des hommes. Elle aime à se produire, avec une joie au-delà de ce que l’on peut comprendre, dans les assemblées du grand monde. Etant d’une grande beauté, possédant de grandes richesses, jeune et bien faite ; tout le monde, ce semble, n’avait du cœur, des yeux que pour elle. Les danses, les spectacles et le soin de plaire à tout le monde, font toute son occupation. Si elle se rend parmi les fidèles dans les lieux destinés à la prière, elle s’y rend avec empressement, non pour y pleurer ses péchés, comme elle aurait dû faire ; mais, bien mieux, pour s’y placer comme une idole, pour y voir et, encore plus, pour y être vue et admirée. Elle semble, par là, vouloir disputer les cœurs à Dieu même et l’honneur qui n’est dû qu’à lui seul. Enfin, elle va si loin qu’elle finit par être un sujet de scandale à toute la ville de Jérusalem.  Les entretiens avec les jeunes gens, les embrassements, les conversations peu modestes, les corruptions auxquelles elle se livre finissent par ne plus la faire regarder que comme une fille de mauvaise vie. Elle finit par être fuie et méprisée par tous les gens de bien. Tous les gens de la ville ne la nomment plus que la femme pécheresse et scandaleuse. Vous conviendrez avec moi que voilà un bien mauvais arbre. Si vous avez été aussi loin, il n’en est guère qui l’est passée. Hélas ! Mes frères, quel fruit d’orgueil n’a pas porté cette tête embellie et ornée avec tant de soins ? Hélas ! Que de fruits de corruption n’a pas produit ce cœur pourri et brûlé par un feu impur ? Et ainsi de toutes les autres passions qui la dominaient. Je crois, mes frères, qu’il est assez difficile de trouver un arbre plus mauvais. Eh bien ! Mes frères, vous allez voir que si nous voulons nous prêter à la grâce, qui jamais ne nous manquera plus qu’à Madeleine, quelques misérables que nous soyons, nous pouvons changer notre arbre qui, jusqu’à présent, n’a porté que de mauvais fruits. Nous pouvons lui en faire porter de bon, si seulement nous voulons nous prêter à la grâce qui vient à notre secours ? De mauvais chrétien, nous pouvons devenir bon, et porter du fruit digne de la vie éternelle, ce que nous allons voir dans le retour de Madeleine.

Saint Jérôme nous dit que, pendant que Madeleine était ainsi abandonnée à tous ses désordres, le bruit de tant de miracles que le Sauveur faisait en guérissant les malades et ressuscitant les morts remplissait d’étonnement toute la Judée. Chacun s’empressait de voir un homme si extraordinaire. Madeleine pour son bonheur, se trouva de ce nombre. Les premières paroles qu’elle entendit sortir de la bouche du Sauveur, ce fut la parabole de l’Enfant prodigue et celle du Bon Pasteur. Elle se reconnut véritablement dans cet enfant prodigue ; et reconnut le Sauveur pour le Bon Pasteur. Les traits de la grâce étaient trop vifs et trop perçants pour qu’elle n’en ressentît pas l’atteinte. Au récit de cette parole, elle se sentie attendrie et touchée jusqu’aux larmes. Si tant de prodiges qu’elles a vus et entendus elle-même la remplissent d’étonnement, la grâce achève de la changer, en faisant, d’un mauvais arbre, un très bon, qui doit porter des fruits excellents. Mais ce qui achève de la détacher d’elle-même et du péché, en rompant tout ce qui pouvait l’en retenir, ce fut cette grande bonté de Dieu pour les pécheurs. Ah ! Mes frères, que la grâce est puissante quand elle trouve un cœur bien disposé ! La voilà qui commence à ne plus penser ni agir de même, la grâce la poursuit, les remords de sa conscience la tourmentent, elle sent son cœur qui se brise de douleur de ses péchés. Ses yeux, qui, autrefois, étaient si allumés d’un feu impur, et qui savaient si bien l’allumer dans le cœur des autres, commencent à verser des larmes amères. Comme son cœur avait goûté le premier les plaisirs du monde, elle veut aussi qu’il soit le premier à ressentir tout le regret d’avoir fait mal. Dès lors, ce grand monde qui, autrefois, faisait tout son plaisir et son bonheur, ne fait plus que l’importuner et la dégoûter de plus en plus. Elle ne se trouve bien que séparée du monde et dans la retraite, où elle peut réfléchir et verser des larmes en toute liberté. Son cœur se sent toujours percé plus vivement, à mesure qu’elle considère la vie qu’elle a menée jusqu’à présent, l’outrage qu’elle a fait à Dieu, le nombre d’âmes qu’elle a perdues par une vie mauvaise. Cet amour d’elle-même, cette orgueilleuse complaisance qu’elle avait dans sa beauté, tous ces profanes hommages qui la flattaient : tout cela ne lui est plus qu’une vanité insensée et une espèce d’idolâtrie. Ce luxe immodeste, ces amusements mondains, qu’elle avait toujours regardés  comme les privilèges de son âge et de son sexe, ne sont maintenant à ses yeux qu’une vie païenne et une véritable apostasie de sa religion. Ces sentiments passionnés, ces libertés indécentes, ces tendres attachements, autrefois si chers à son cœur, et tous ces mystères d’iniquité ne lui semblent à présent que crimes et abomination. Elle reconnaît, en versant des larmes en abondance, que si le bon Dieu l’avait ornée de tant de dons, ce n’était que pour qu’elle lui fût agréable. Elle n’en conçoit que plus vivement son ingratitude et sa révolte. Dans ces combats, elle apprend qu’un pharisien distingué a le bonheur de recevoir chez lui le Sauveur ; elle se rappelle tout ce qu’elle a entendu du Sauveur : « Oui, se dit-elle à elle-même, je ne peux plus douter qu’il soit ce Pasteur si bon et si charitable, et que moi, je ne sois cette brebis perdue. Ah ! S’écrie-t-elle, c’est-à moi-même qu’il en voulait, lorsqu’il parlait de cet enfant prodigue ! Oui, je me lèverai et j’irai le trouver ! » En effet, ne se possédant plus, elle se lève, foule aux pieds toutes ses plumes et toutes ses vanités. Elle court, ou plutôt la grâce, dont son cœur était déjà tout brûlant, l’entraîne. Foulant tout respect humain, elle entre dans la salle du festin avec un air abattu, ses cheveux, autrefois si bien tirés et frisés, tous épars, les yeux baissés et baignés de larmes, la confusion et la rougeur sur le front. Elle se jette aux pieds du Sauveur qui était à table. « Ah ! Madeleine ! Madeleine ! s’écrie un Père de l’Eglise, que faites-vous et qu’êtes-vous devenue ? Où sont ces plaisirs, cette vanité et cet amour profane ? » Ah ! Non, non, mes frères, plus de Madeleine pécheresse, mais Madeleine pénitente, et une amante fidèle du Sauveur. »

Oui, mes frères, ce fut dans ce moment que tout changea en elle. Si elle avait tant perdu d’âmes par une vie si scandaleuse, elle va, par sa vie pénitente, en gagner encore plus qu’elle n’en a perdu. Elle n’a nul respect humain, elle accuse publiquement ses péchés devant une nombreuse assemblée, elle embrasse les pieds du Sauveur, elle les arrose de ses larmes, elle les essuie de ses cheveux. Non, non, mes frères, Madeleine n’est plus Madeleine, mais une sainte amante du Sauveur ; « Non, non, mes frères, nous dit Saint Augustin, dans Madeleine, plus de vanités, plus de plaisirs, plus d’amour profane, tout est saint et pur en elle. Oui, mes frères, nous dit ce grand saint, ces parfums si recherchés qu’elle avait donnés tout au luxe, cette chevelure si bien parée et ornée, ces yeux animés d’un feu si dangereux, tout cela est maintenant purifié dans les larmes. Ah ! Mes frères, nous dit-il, qui pourrait nous faire connaître ce qui se passe dans son cœur ? Chacun de ceux qui furent témoins de ce coup de générosité la tourne en ridicule, la traite d’insensée, la blâme et la condamne, sinon Jésus-Christ lui-même, qui connaît bien que c’est sa grâce qui a tout fait en elle. » Il en est si touché qu’il ne lui parle nullement de ses péchés. Mais il prend un singulier plaisir à faire l’éloge de tout le bien qu’elle a fait, et cela, devant tout le monde : « Allez, lui dit tendrement le Sauveur, vos péchés vous sont pardonnés, ne pleurez plus…»

Puisque votre âme est aussi précieuse aux yeux de Dieu que celle de Madeleine, vous êtes sûrs, mes frères, que jamais la grâce ne vous manquera pour vous convertir et persévérer.

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26 septembre 2013

IL EST DIFFICILE D’EN SORTIR

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Si nous comprenions bien ce qu’est que recevoir les sacrements, nous y apporterions bien d’autres dispositions que nous ne le faisons. Il est vrai que le plus grand nombre, en cachant leurs péchés, conservent toujours la pensée de les accuser. Sans un miracle, ils n’en seront pas moins perdus. Si vous en voulez la raison, il est bien facile de vous la donner. Plus nous restons dans cet état épouvantable qui fait frémir le ciel et la terre, plus le démon prend d’emprise sur nous, plus la grâce de Dieu se diminue, plus notre crainte s’augmente, plus nos sacrilèges se multiplient et plus nous reculons : et par là, nous nous mettons presque dans l’impossibilité de rentrer en grâce avec Dieu. Je vous en citerai cent exemples pour un. Dites-moi, mes frères, est-ce que vous pouvez même espérer qu’après avoir passé dans le sacrilège peut-être de cinq à six ans, pendant lesquels vous avez plus outragé le bon Dieu que tous les Juifs ensemble, vous oseriez croire que le bon Dieu va vous donner toutes les grâces qu’il vous faudrait pour sortir de cet état épouvantable ? Vous croyez peut-être qu’en considération de tant d’atrocités, dont vous vous êtes rendus coupables envers Jésus Christ, vous n’aurez qu’à dire : « Je vais quitter le péché et tout sera fini ». Hélas ! Mon ami, qui vous garantit que Jésus Christ ne vous aura pas fait la menace qu’il fit aux Juifs et prononcé la même sentence qu’il prononça contre eux ? « Vous ne voulez profiter des grâces que je voulais vous donner ; mais je vous laisserai, et vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas et vous mourrez dans votre péché ! » Hélas ! Mes frères, notre pauvre âme, une fois entre les mains du démon, n’en sort pas si facilement que nous le croyons bien…

Voilà, mes frères, ce que le démon fait pour nous tromper : quand nous commettons le péché, il nous le représente comme bien peu de chose. Il nous fait penser qu’il y en a bien d’autres qui en font plus que nous. Ou bien : que nous nous en confesserons, que nous en aurons aussitôt dit quatre que deux. Mais quand le péché est commis, il fait tout le contraire. Il nous le représente comme une montagne. Il nous en donne tant d’horreur que nous n’avons plus la force de nous en confesser. Si nous sommes trop tourmentés d’avoir caché ce péché, pour nous rassurer, il nous dit que nous le déclarerons à la première confession. Ensuite, il nous dit que nous n’en aurons pas le courage, qu’il faut attendre une autre fois pour le dire. Prenez garde, mes frères, il n’y a que le premier pas qui coûte : une fois dans la prison du péché, il est extrêmement difficile de s’en sortir…

Mais pensez-vous, je ne crois pas qu’il y en ait qui soient capables de cacher leurs péchés, parce qu’ils seraient bien trop tourmentés. Ah ! Mes frères, s’il me fallait prêter serment, pour affirmer qu’il y en a ou qu’il n’y en a point, je ne balancerais pas à dire qu’il y en a au moins cinq ou six qui sont brûlés par leur remords et par leurs péchés, et qui m’entendent, et qui pensent que cela est vrai . Mais, prenez patience, vous les verrez au jour du jugement, et vous vous rappellerez ce que je vous dis aujourd’hui. O mon Dieu ! La honte ou la crainte peuvent-elles bien retenir un chrétien dans un état si épouvantable ? Ah ! Mon ami, qu’est-ce que vous vous préparez à vous-mêmes ? Vous n’osez pas vous en ouvrir à votre pasteur ? Mais est-il seul dans le monde ? Ne trouveriez-vous pas des prêtres  qui auraient la charité de vous recevoir ? Pensez-vous que l’on vous donnera une trop longue pénitence ? Ah ! Mon ami, que cela ne vous arrête pas ! L’on vous aidera, l’on en fera la plus grande partie. On priera pour vous, on pleurera vos péchés, pour attirer avec plus d’abondance les miséricordes de Dieu sur vous. Mon ami, ayez pitié de cette pauvre âme qui a coûté si cher à Jésus christ !... O mon Dieu ! Qui pourra jamais comprendre l’aveuglement de ces pauvres pécheurs. ! Vous avez caché votre péché, mon ami, mais il faudra qu’il soit connu un jour, et même aux yeux de tout l’univers ; tandis que, d’une parole, vous l’auriez caché pour jamais et vous changeriez votre enfer en une éternité de bonheur. Hélas ! Qu’un sacrilège conduit loin ces pauvres pécheurs ! Hélas ! Qu’un sacrilège conduit loin ces pauvres pécheurs ! Ils ne veulent pas mourir dans cet état, mais ils n’ont pas la force d’en sortir… Mon Dieu, tourmentez-les si fort qu’ils ne puissent pas y rester !...

26 septembre 2013

PECHEUR ET PECHE

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Mais, me direz-vous, ce n’est pas là mon intention, lorsque je fais ma prière, Dieu me garde de jamais faire ces horreurs. Belle excuse, mon ami ! Celui qui commet le péché, n’a pas l’intention de perdre la grâce ; cependant il ne laisse pas que de la perdre, en est-il moins coupable ? Non, sans doute, parce qu’il sait bien qu’il ne peut pas faire telle action ou dire telle chose sans se rendre coupable d’un péché mortel. Si vous vous en tenez là, l’intention de tous les damnés qui maintenant brûlent, leur intention n’était certainement pas de se damner. Pour cela, sont-ils moins coupables ? Non, sans doute, parce qu’ils savaient qu’ils se damneraient en vivant comme ils ont vécu. Un pécheur qui prie avec le péché dans son cœur sans intention, il n’a pas l’intention de se moquer de Jésus Christ, ni de l’insulter. Il n’en est pas moins vrai qu’il se moque de lui, parce qu’il sait bien que l’on se moque de Dieu quand on lui dit : « Mon Dieu, je vous aime, tandis qu’on aime le péché, ou : je m’en confesserai. Ecoutez plutôt ce mensonge ! Il ne pense pas même à se confesser ni à se convertir. Mais dites-moi, quelle est votre intention quand vous venez à l’église ou que vous faites ce que vous appelez votre prière ? C’est, me direz-vous peut-être, si vous osez toutefois le dire, de faire un acte de religion, de rendre à Dieu l’honneur et la gloire qui lui appartiennent. O horreur ! O aveuglement ! O impiété ! Vouloir honorer Dieu par des mensonges, c’est-à-dire vouloir l’honorer par ce qui l’outrage ! O abomination ! Avoir Jésus Christ à la bouche et le tenir crucifié dans son cœur. Joindre ce qu’il y a de plus saint avec ce qu’il y a de plus détestable, qui est le service du démon ! Oh ! Quelle horreur ! Offrir à dieu une âme que l’on a déjà mille fois prostituée au démon ! O mon Dieu, que le pécheur est aveugle, et d’autant plus aveugle qu’il ne se connaît pas, ni même ne cherche à se connaître !

N’avais-je pas bien raison, en commençant, de vous dire que la prière d’un pécheur n’est autre chose qu’un tissu de mensonges et de contradictions ? Cela est si vrai que le Saint Esprit nous dit lui-même que la prière d’un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est en exécration aux yeux du Seigneur. Cet état, direz-vous avec moi, est bien affreux et bien digne de compassion. Eh bien ! Voyez combien le péché vous aveugle ! Cependant, je le dis sans crainte de mentir, au moins la moitié de ceux qui sont ici, qui m’écoutent dans cette église, sont de ce nombre. N’est-ce pas que cela ne vous touche pas ou plutôt que cela vous ennuie, que le temps vous dure ? Voilà, mon ami, l’abîme malheureux où le péché conduit un pécheur. D’abord, vous savez qu’il y a six mois, un an ou plus que vous êtes dans le péché, n’est-ce pas que vous êtes tranquille ? Eh oui ! Me direz-vous. Cela n’est pas difficile à croire, parce que le péché vous a tiré les yeux. Vous n’y voyez plus rien, et il a endurci votre cœur, afin que vous ne sentiez plus rien, et je suis comme sûr que tout ce que je vous ai dit ne vous fera faire aucune réflexion. O mon Dieu, dans quel abîme conduit le péché ! Mais, me direz-vous, il ne faut plus prier puisque nos prières ne sont que des insultes que nous faisons à Dieu. Ce n’est pas ce que j’ai voulu vous dire en vous disant que vos prières n’étaient que des mensonges. Mais, au lieu de dire : Mon Dieu, je vous aime, dites : Mon Dieu, je ne vous aime pas, mais faites-moi la grâce de bien vous aimer. Au lieu de lui dire : Mon Dieu, j’ai un extrême regret de vous avoir offensé, dites-lui : Mon Dieu, je ne ressens aucun regret de mes péchés, donnez-moi toute la douleur que je dois en avoir. Bien loin de dire : Je veux me confesser de mes péchés, dites-lui plutôt : Mon Dieu, je me sens attaché à mes péchés, il me semble que je ne voudrais jamais les quitter, donnez-moi cette horreur que je dois en ressentir, afin que je les abhorre, les déteste et les confesse, afin de ne jamais les reprendre ! O mon Dieu, donnez-nous, s’il-vous-plaît, cette horreur éternelle du péché, puisqu’il est votre ennemi, que c’est lui qui vous a fait mourir, qu’il nous arrache votre amitié, qu’il nous sépare de vous ! Ah ! Faites, Divin Sauveur, que toutes les fois que nous viendrons vous prier, nous le fassions avec un cœur détaché du péché, un cœur qui vous aime, et qui, dans ce qu’il vous dira, ne dise que la vérité ! C’est la grâce, mes frères, que je vous souhaite.

25 septembre 2013

LE PECHE SANS ESPERANCE

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Je suis sûr que vous désirez savoir ce que c’est que la prière d’un pécheur qui,  ni ne veut quitter le péché, ni n’est fâché d’avoir offensé Dieu. Ecoutez : le premier mot qu’il dit en commençant la prière est un mensonge. Il entre en contradiction avec lui-même : « Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. » Mon ami, arrêtez-vous un instant. Vous dites que vous commencez votre prière au nom des trois personnes de la Sainte Trinité. Mais vous avez donc oublié qu’il n’y a que huit jours, vous étiez dans une compagnie où l’on vous disait que quand on est mort, tout est fini, et si cela était, il n’y avait ni Dieu, ni enfer, ni paradis ? Si, mon ami, dans votre endurcissement, vous le croyez, vous ne venez pas pour prier ; mais seulement pour vous amuser et vous divertir. Ah ! Me direz-vous, ceux qui tiennent ce langage sont bien rares. Cependant, il y en a même parmi ceux qui m’écoutent et qui ne laissent pas de faire quelques prières de temps en temps. Cependant, je vous montrerais  si je voulais, que les trois quarts de ceux qui sont ici à l’église, quoiqu’ils ne le disent pas de bouche, le disent souvent par leur conduite et leur manière de vivre. Car si un chrétien pensait véritablement à ce qu’il dit en prononçant les noms des trois personnes de la Sainte Trinité, ne serait-il pas saisi de frayeur jusqu’au désespoir, en considérant en lui l’image du Père qu’il a défigurée d’une manière si affreuse, l’image du Fils qui est en son âme, traînée et roulée dans le limon du vice, et l’image du Saint Esprit, dont son cœur est le temple et le tabernacle, et qu’il a remplie d’ordures et de saletés. Oui, mes frères, ces trois mots seuls, si ce pécheur avait la connaissance de ce qu’il dit et de ce qu’il est, pourrait-il les prononcer sans mourir d’horreur de lui-même ? Ecoutez ce menteur : « Mon Dieu ! Je crois fermement que vous êtes ici présent. » Eh quoi ! mon ami, vous croyez que vous êtes en la présence de Dieu devant qui les anges, qui sont sans tache, tremblent et n’osent lever les yeux, devant qui ils se couvrent de leurs ailes, ne pouvant soutenir l’éclat de la majesté que le ciel et la terre ne peuvent contenir ! Et vous, tout couvert de crimes, vous y êtes avec un genou par terre et l’autre en l’air. Osez-vous bien ouvrir la bouche  pour laisser sortir une telle abomination ? Dites-donc plutôt que vous faites comme les singes, que vous faites ce que vous voyez faire aux autres, ou plutôt que c’est un moment d’amusement que vous prenez en faisant semblant de prier.

25 septembre 2013

LA MAUVAISE MORT

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Si vous me demandez ce que l’on entend par une mauvaise mort, je vous répondrai : quand une personne à la fleur de l’âge, étant mariée, jouissant d’une bonne santé, ayant des biens en abondance, et qu’elle laisse des enfants et une femme désolés, il n’est pas douteux que cette mort ne soit très cruelle. Le roi Ezéchias disait : « Quoi ! Mon Dieu ! Faut-il que je meure au milieu de mes années, à la fleur de mon âge. » Et le Roi-Prophète demandait à Dieu de ne pas le faire mourir au milieu de ses années. D’autres disent que mourir de la main des bourreaux, sur une potence, c’est une mauvaise mort. D’autres, que mourir d’une mort subite est une mauvaise mort : comme d’être écrasé par un coup de foudre, d’être suffoqué dans l’eau, de tomber du haut d’une maison et rester sur place. Enfin, d’autres disent que c’est mourir d’une maladie fâcheuse, comme de mourir de la peste ou d’autres maladies contagieuses. Eh bien, moi, mes frères, je vous dirai que toutes ces morts ne sont point mauvaises. Pourvu qu’une personne ait bien vécu, qu’elle meure à la fleur de son âge, sa mort ne laissera pas d’être précieuse aux yeux du Seigneur. Nous avons tant de saints qui sont morts à la fleur de leur âge. Ce n’est pas non plus une mauvaise mort que de mourir de la main des bourreaux. Tous les martyrs sont morts de la main des bourreaux. Mourir d’une mort subite n’est pas encore une mauvaise mort, pourvu que l’on soit prêt. Nous avons tant de saints qui sont morts de la sorte : Saint Syméon fut tué par un coup de foudre sur sa colonne. Saint François de Sales mourut d’apoplexie. Enfin mourir de la peste n’est pas encore une mort funeste : Saint Roch, saint François-Xavier en sont morts. Mais ce qui rend la mort du pécheur malheureuse, c’est le péché. Ah ! C’est ce maudit péché qui le déchire et le dévore dans ce moment épouvantable. Hélas ! Quelque côté que ce pauvre malheureux tourne ses regards, il ne voit que péché, il ne voit que grâces méprisées. Et, hélas ! S’il lève les yeux au ciel, il ne voit qu’un Dieu en colère, armé de toute la fureur de sa justice qui est prête à lui fondre dessus. S’il tourne ses regards en bas, hélas ! il n’aperçoit que l’enfer et ses fureurs, qui ouvre déjà la gueule pour le recevoir. Hélas ! Ce pauvre pécheur n’a pas voulu reconnaître la justice de Dieu pendant sa vie ; dans ce moment, non seulement il la voit, mais il la sent déjà s’appesantir sur lui. Pendant sa vie, il a toujours tâché de cacher ses péchés, ou du moins, de les diminuer ; mais dans ce moment, tout lui est représenté au grand jour. Hélas ! Il voit ce qu’il aurait dû voir, ce qu’il n’a pas voulu voir. Il voudrait pleurer ses péchés, mais il n’est plus temps. Il a méprisé le bon Dieu pendant sa vie, Dieu à son tour le méprise et l’abandonne à son désespoir.

Ecoutez, pécheurs endurcis, qui vous roulez avec tant de plaisir dans le limon de vos ordures, sans avoir même la pensée d’en sortir, qui peut-être n’y penserez que quand le bon Dieu vous aura abandonnés comme il est arrivé à tant d’autres moins coupables que vous. Oui, nous dit le Saint Esprit, les pécheurs, dans leurs derniers moments, grinceront des dents, seront saisis d’une frayeur épouvantable, dans la seule pensée de leurs crimes. Leurs iniquités se soulèveront contre eux et les accuseront. Hélas ! S’écrieront-ils dans ce moment malheureux. Hélas ! A quoi nous ont servi cet orgueil, cette vaine ostentation, et tous ces plaisirs que nous avons goûtés dans le péché ? Tout est passé, et nous n’avons à notre suite aucune trace de vertu, et nous avons été convaincus par notre malice.

C’est précisément ce qui arriva au malheureux Antiochus qui, étant tombé de son chariot, se fracassa tout le corps. Il ressentait une si grande douleur d’entrailles qu’il lui semblait qu’on les lui arrachait. Les vers le rongèrent tout en vie, son corps était puant comme une charogne. Alors, il commença à ouvrir les yeux. C’est ce que font les pécheurs mais trop tard.

« Ah ! S’écriait-il, je reconnais que ce sont les maux que j’ai faits à Jérusalem qui me tourmentent et me rongent le cœur. »

Son corps était dévoré par des douleurs affreuses, et son esprit par une tristesse inconcevable. Il fit venir ses amis, croyant trouver près d’eux quelques consolations. Mais non, abandonné de Dieu qui fait la consolation, il n’en pouvait pas avoir d’autres.

« Hélas ! Mes amis, leur disait-il, je suis tombé dans une terrible affliction. Le sommeil m’a quitté. Je ne saurais reposer un seul instant. Mon cœur est percé de douleurs. Hélas ! Dans quel état de tristesse et d’angoisse suis-je réduit ! Il faut donc que je meure de tristesse, et encore dans un pays étranger. Ah ! Seigneur, pardonnez-moi ! Je réparerai tout le mal que j’ai fait. Je rendrai tout ce que j’ai pris dans le Temple de Jérusalem. Je ferai de grands présents à ce Temple. Je me ferai Juif. J’observerai la loi de Moise. J’irai partout publier la Toute Puissance de Dieu. Ah ! Seigneur, faites, s’il-vous-plaît, miséricorde. »

Mais sa maladie augmente, et le bon Dieu, qu’il a tant méprisé pendant sa vie, n’a plus d’oreilles pour l’entendre. C’était un orgueilleux, un blasphémateur, et malgré ses instantes prières, il ne fut pas écouté, il lui fallut tomber en enfer. 

Triste mais juste punition des pécheurs qui, après avoir méprisé toutes les grâces que le bon Dieu leur a accordées pendant leur vie, ne trouvent plus de grâces quand ils voudraient en profiter. Hélas ! Que le nombre de ceux qui meurent de cette manière est grand aux yeux de Dieu ! Hélas ! Qu’il y en a de ces aveugles dans le monde qui n’ouvrent les yeux que dans le moment où il n’y a plus de remèdes à leurs maux !

Oui, mes frères, oui, vie de péchés et mort de réprouvés. Vous êtes dans le péché, vous ne voulez pas en sortir ? Non, me direz-vous. Eh bien ! Mon ami, vous y périrez. Vous allez voir dans la mort de Voltaire, ce fameux impie. Ecoutez-bien, et vous verrez que si l’on méprise toujours le bon Dieu, et que si le bon Dieu nous attend pendant notre vie, souvent, par un juste jugement, il nous abandonne à la mort lorsque nous voulons revenir à lui. Vivre dans le péché, en pensant que nous en sortirons un jour, c’est un piège du démon qui vous perdra comme il en a tant perdu d’autres. Voltaire, se voyant malade, commença à réfléchir sur l’état d’un pécheur qui meurt avec la conscience chargée de péchés. Il veut rentrer en lui-même, et essayer si le bon Dieu voudra bien lui pardonner tous les péchés de sa vie qui sont en grand nombre. Il compte sur la miséricorde de Dieu qui est infinie et, dans ces belles pensées, il fait venir un de ces prêtres qu’il avait tant outragés  et tant calomniés dans ses écrits. Il se met à ses genoux et lui fait l’aveu de ses fautes, et dépose entre ses mains, la rétraction de ses impiétés et de ses scandales. Il se flattait déjà d’achever le grand ouvrage de sa réconciliation. Mais il se trompait grandement. Le bon Dieu l’avait abandonné : vous allez le voir. La mort devance les derniers secours. Hélas ! Ce pauvre impie sent renaître en lui toutes ses frayeurs. Il s’écrie :

« Hélas ! Suis-je donc abandonné de Dieu et des hommes ? »

Oui, malheureux, tu l’es. Déjà ton partage et ton espoir sont l’enfer. Ecoutez cet impie, il s’écrie avec cette bouche souillée de tant de sacrilège, de tant de blasphèmes contre Dieu, sa religion et ses ministres :

« Ah ! S’écrie t-il, Jésus Christ, Fils de Dieu, qui êtes mort pour tous les pécheurs sans distinction, ayez pitié de moi ! »

Mais hélas ! Presque un siècle d’impiété a lassé la patience de Dieu, qui l’a déjà réprouvé. Il n’est plus qu’une victime que la colère de Dieu engraisse pour les flammes éternelles. Les prêtres qu’il avait tant méprisés, mais que, dans ce moment, il désire tant, n’y sont pas. Le voilà qui entre dans les convulsions et les horreurs du désespoir : les yeux égarés, blême et tremblant d’effroi, il s’agite, il se tourmente, il semble vouloir se venger de ces anciens blasphèmes  dont sa bouche avait été si souvent souillée. Ses compagnons d’impiété craignant qu’on lui apportât les Sacrements, ce qui aurait semblé les déshonorer, l’emportent dans une maison de campagne et là, abandonné dans son désespoir…

25 septembre 2013

SUR QUI S’ACHARNE LE DEMON ?

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Mais, peut-être pensez-vous, qui sont donc ceux qui sont les plus tentés : ce sont sans doute les ivrognes, les médisants et les impudiques qui se jettent à corps perdu dans leurs ordures, et l’avare qui prend de toutes manières ? Non, mes frères, non, ce ne sont pas ceux-là. Au contraire, les démons les méprisent, ou bien il les retient, crainte qu’ils ne fassent pas assez de mal longtemps parce que, plus ils vivront, plus leurs mauvais exemples trainent d’âmes en enfer. En effet, si le démon avait pressé fortement ce vieux impudique, qu’il ait abrégé ses jours de quinze ou vingt ans, il n’aurait pas enlevé la fleur de la virginité à cette jeune fille en la plongeant dans le plus infâme bourbier de ses impudicités ; il n’aurait pas encore séduit cette femme, ou il n’aurait pas appris le mal à ce jeune qui peut-être le continuera jusqu’à la mort. Si le démon avait porté ce voleur à piller en toute rencontre, depuis longtemps il serait conduit sur l’échafaud, il n’aurait pas porté son voisin à faire comme lui. Si le démon avait sollicité cet ivrogne à se remplir sans cesse de vin, depuis longtemps il aurait péri dans sa crapule ; au lieu qu’en prolongeant ses jours, il en a rendu plusieurs semblables à lui. Si le démon avait ôté la vie à ce musicien, à ce teneur de bal, à ce cabaretier dans une battue ou d’autres occasions, combien qui, sans toutes ces gens, ne seraient pas damnés et qui le seront. Saint Augustin nous apprend que le démon ne tourmente pas beaucoup ces personnes, au contraire, il les méprise et leur crache dessus.

Mais, me direz-vous, qui sont donc ceux qui sont le plus tentés ? Mon ami, le voici ; écoutez-le bien. Ce sont ceux qui sont prêts, avec la grâce de Dieu, de tout sacrifier pour le salut de leur pauvre âme ; qui renoncent à tout ce que sur la terre, on recherche avec tant d’empressement. Ce n’est pas seulement un démon qui les tente, mais des millions qui leur tombent dessus pour les faire tomber dans leurs pièges. En voici un bel exemple. Il est rapporté dans l’histoire, que Saint François d’Assise était rassemblé avec tous ses religieux dans un grand champ où l’on avait bâti de petites maisons de jonc. Saint François, voyant qu’ils faisaient des pénitences si extraordinaires, leur commande d’apporter tous leurs instruments de pénitence. L’on en fit comme des monceaux de paille. Dans ce moment, il y avait un jeune homme à qui le bon Dieu fit la grâce de lui rendre son ange gardien visible : d’un côté, il voyait tous ces bons religieux qui ne pouvaient assez se rassasier de pénitences. D’un autre côté, son bon ange gardien lui fit voir une assemblée de dix-huit mille démons, qui tenaient conseil de la manière dont ils pourraient renverser ces religieux par la tentation. Il y en eut un qui dit : « Vous n’y comprenez rien, ces religieux sont si humbles, ah ! Quelle belle vertu ! Si détachés d’eux-mêmes, si attachés à Dieu. Ils ont un supérieur qui les conduit si bien qu’il est impossible de pouvoir les vaincre. Attendons que le supérieur soit mort, alors nous tâcherons d’introduire des jeunes gens sans vocation qui porteront le relâchement, et par ce moyen nous les aurons. » Un peu plus loin, en entrant dans la ville, il vit un démon seul, qui était assis sur les portes de la ville pour tenter ceux qui étaient dedans. Ce saint demanda à son ange gardien pourquoi est-ce que, pour tenter tous ces religieux, il y avait tant de mille de démons, tandis que pour toute une ville, il n’y en avait qu’un, encore était-il assis ? Son bon ange lui répondit que les gens du monde n’avaient pas même besoin de tentations, qu’ils se portaient assez d’eux-mêmes au mal, tandis que les religieux faisaient bien, malgré tous les pièges que le démon pouvait leur livrer.

Voici, mes frères, la première tentation que le démon donne à une personne qui a commencé à mieux servir le bon Dieu : c’est le respect humain. Elle n’osera plus paraître, elle se cache des personnes avec lesquelles elle avait autrefois pris ses plaisirs. Si on lui dit qu’elle a donc bien changé : elle en a honte ! Ce qu’en dira-t-on est toujours dans sa tête, de sorte qu’elle n’a plus la force de faire le bien devant le monde. Si le démon ne peut la gagner par le respect humain, il fait naître en elle une crainte extraordinaire : que ses confessions ne sont pas bonnes, que son confesseur ne la connaît pas, qu’elle aura beau faire, qu’elle sera tout de même damnée, qu’elle gagne autant de tout laisser que de continuer, parce qu’elle a trop d’occasions. Pourquoi est-ce, mes frères, que quand une personne ne pense pas à sauver son âme, qui vit dans le péché, elle n’est rien tentée ; mais dès qu’elle veut changer de vie, c’est-à-dire qu’elle le désire pour se donner au bon Dieu, tout l’enfer lui tombe dessus ? Ecoutez ce que Saint Augustin va vous dire : « Voilà, nous dit-il, la manière dont le démon se comporte envers le pécheur. Il fait comme un geôlier qui a plusieurs prisonniers renfermés dans sa prison mais qui, tenant la clef dans sa poche, les laisse bien tranquilles, convaincus qu’ils ne peuvent pas sortir. Voilà sa manière d’agir envers un pécheur qui ne pense pas à sortir du péché. Il ne se met pas en peine de le tenter. Il regarde ce temps comme un temps perdu, parce que non seulement il ne pense pas à le quitter, mais il ne fait qu’aggraver ses chaînes : il serait donc inutile de le tenter. Il le laisse vivre en paix, si toutefois l’on peut-être en paix dans le péché. Il lui cache, autant qu’il lui est possible, son état jusqu’à la mort, où il tâche de lui faire la peinture la plus effrayante de sa vie pour le jeter dans le désespoir. Mais une personne qui a résolu de changer de vie pour se donner au bon Dieu, c’est bien autre chose. » Tant que Saint Augustin vécut dans le désordre, il ne s’aperçut presque rien de ce que c’était d’être tenté. Il se croyait en paix, comme il le raconte lui-même. Mais dès le moment qu’il voulut tourner le dos au démon, il fallut se battre avec le démon, jusqu’à en perdre la respiration. Et cela pendant cinq ans. Il employa les larmes les plus amères, les pénitences les plus austères. « Je me débattais avec lui, dit-il, dans mes chaînes. Un jour, je me croyais victorieux, le lendemain j’étais par terre. Cette guerre cruelle et opiniâtre dura cinq ans. Cependant, dit-il, le bon Dieu me fit la grâce d’être victorieux de mon ennemi. » Voyez encore les combats qu’éprouva Saint Jérôme lorsqu’il voulut se donner au bon Dieu, et qu’il eut la pensée d’aller visiter la Terre Sainte. Etant à Rome, il conçut un nouveau désir de travailler à son salut. En quittant Rome, il va s’ensevelir dans un affreux désert pour se livrer à tout ce que son amour pour le bon Dieu pourrait lui inspirer. Alors, le démon, qui prévoyait combien cette conversion en ferait d’autres, semblait crever de désespoir. Il n’y eut sorte de tentation qu’il ne lui livrât. Je ne crois pas qu’il y ait eu un saint qui ait été si fortement tenté que lui. Voici comment il écrivait à un de ses amis : « Mon cher ami, je viens vous faire part de l’affliction et de l’état où le démon veut me réduire. Combien de fois, dans cette vaste solitude, que les ardeurs du soleil rendent insupportables, combien de fois les plaisirs de Rome sont venus m’assaillir. La douleur et l’amertume dont mon âme est remplie me fait verser, nuit et jour, des torrents de larmes. Je vais me cacher dans les lieux les plus écartés pour combattre mes tentations et y pleurer mes péchés. Mon corps est tout défiguré et couvert d’un rude cilice. Je n’ai point d’autre lit que la terre nue, et pour toute nourriture que des racines crues et de l’eau, même dans mes maladies. Malgré toutes ces rigueurs, mon corps ressent encore la pensée des plaisirs infâmes dont Rome est infectée ; mon esprit se trouve au milieu de ces belles compagnies où j’ai tant offensé le bon Dieu. Dans ce désert où je me suis condamné moi-même pour éviter l’enfer, entre ces sombres rochers, où je n’ai point d’autres compagnies que les scorpions et les bêtes farouches, mon esprit brûle encore d’un feu impur mon corps, déjà mort avant moi-même ; le démon ose encore lui offrir des plaisirs à goûter. Me voyant si humilié par des tentations dont la seule pensée me fait mourir d’horreur, ne sachant plus quelle rigueur je dois exercer sur mon corps pour le tenir au bon Dieu, je me jette par terre au pied de mon crucifix, en l’arrosant de mes larmes, et lorsque je peux ne plus pleurer, je prends des pierres, je me frappe la poitrine jusqu’à ce que le sang me sorte par la bouche, en criant miséricorde, jusqu’à ce que le Seigneur ait pitié de moi. Qui pourra comprendre combien mon état est misérable, désirant si ardemment de plaire au bon Dieu et de n’aimer que lui seul. Me voyant sans cesse porté à l’offenser, quelle douleur pour moi ! Aidez-moi mon cher ami du secours de vos prières, afin que je sois plus fort pour repousser le démon qui a juré ma perte éternelle. »

Voilà, mes frères, les combats auxquels le bon Dieu permet que ses grands saints soient exposés. Hélas ! Mes frères, que nous sommes à plaindre, si nous ne sommes pas fortement combattus par le démon ! Selon toute apparence, nous sommes les amis du démon : il nous laisse vivre dans une fausse paix, il nous a endormi sous prétexte que nous avons fait quelques bonnes prières, quelques aumônes, que nous avons moins fait de mal que d’autres. Selon nous, en effet, mes frères, si vous demandez à cette colonne de cabaret si le démon le tente, il vous dira tout simplement que non ; que rien ne le tourmente. Demandez à cette fille de vanité, quels sont ses combats ? Elle vous répondra en riant, qu’elle n’en a point, qu’elle ne sait pas même ce que c’est d’être tentée. Voilà, mes frères, la tentation la plus effroyable, qui est de n’être pas tenté. Voilà l’état de ceux que le démon conserve pour l’enfer. Si j’osais, je vous dirais qu’il prend bien garde de les tenter et de les tourmenter sur leur vie passée, crainte de leur faire ouvrir les yeux sur leurs péchés.

Le plus grand de tous les malheurs, c’est de ne pas être tenté, puisqu’il y a lieu de croire que le démon nous regarde comme lui appartenant, et qu’il n’attend que la mort pour nous traîner en enfer. Rien n’est plus facile à concevoir. Voyez un chrétien qui cherche un tant soit peu le salut de son âme, tout ce qui l’environne le porte au mal, il ne peut souvent pas même lever les yeux sans être tenté, malgré toutes ses prières et ses pénitences. Et un vieux pécheur qui, peut-être depuis vingt ans, se roule et se traîne dans les ordures, il dira qu’il n’est pas tenté ! Tant pis ! Mon ami, tant pis ! C’est précisément ce qui doit vous faire trembler, c’est que vous ne connaissez pas les tentations ; parce que, dire que vous n’êtes pas tenté, c’est comme si vous disiez qu’il n’y a plus de démon ou qu’il a perdu toute sa rage contre les chrétiens. « Si vous n’avez point de tentation, nous dit Saint Grégoire, c’est que les démons sont vos amis, vos conducteurs et vos pasteurs. En vous laissant passer tranquillement votre pauvre vie, à la fin de vos jours, ils vous traîneront dans les abîmes. » Saint Augustin nous dit que la plus grande tentation, c’est de ne point avoir de tentation, parce que c’est être une personne réprouvée, abandonnée du bon Dieu et livrée entre les mains de ses passions. »

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