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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
les sermons du pauvre cure d'ars
21 septembre 2013

NOUS SOMMES FAMEUSEMENT AVEUGLES

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Il faut que nous soyons fameusement aveugles ; puisque tout bien examiné, pas un ne pourrait dire qu’il est prêt à paraître devant Jésus Christ, et que, malgré cette sûreté que nous ne sommes pas prêts, pas un d’entre nous ne fera un pas de plus vers le bon Dieu. O mon Dieu ! Que le pécheur est aveugle ! Hélas ! Que son sort est déplorable ! Non, non, mes frères, ne vivons plus comme des insensés, puisque dans le moment où nous y penserons le moins, Jésus Christ frappera à notre porte. Heureux celui qui n’aura pas attendu ce moment pour s’y préparer ! Ce que je vous souhaite.

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21 septembre 2013

ILS SONT POUR LE MONDE

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Une partie, et peut-être la plus grande partie, sont tout pour le monde. Et, de ce nombre, sont ceux qui sont contents d’avoir étouffé tout sentiment de religion, toute pensée de l’autre vie, qui ont fait tout ce qu’ils ont pu pour effacer la pensée terrible du jugement qu’ils auront à subir un jour. Ils emploient toute leur science et souvent leurs richesses pour attirer autant de personnes qu’ils peuvent dans leur route. Ils ne croient plus à rien. Ils se font même gloire d’être plus impies et plus incrédules qu’ils ne le sont en réalité, pour mieux convaincre les autres, et leur faire croire, je ne dis pas les vérités, mais les faussetés qu’ils voudraient faire naître dans leur cœur. Comme Voltaire, qui, un jour, dans un dîner donné à ses amis, c’est-à-dire à des impies, se réjouissait de ce que, de tous ceux qui étaient là, pas un ne croyait à la religion. Et cependant, lui-même y croyait, comme il le montra bien à l’heure de sa mort. Alors, il demanda avec empressement un prêtre pour pouvoir se réconcilier avec le bon Dieu. Mais c’était trop tard pour lui. Le bon Dieu, contre qui il s’était déchaîné avec tant de fureur, lui avait fait comme à Antiochus : il l’avait abandonné à la fureur des démons. Voltaire n’eut dans ce terrible moment que le désespoir et l’enfer pour partage. « L’impie, nous dit le Saint Esprit, dit en lui-même qu’il n’y a point de Dieu », mais ce n’est que la corruption de son cœur qui le peut porter à un tel excès, il ne le croit pas dans le fond de son âme. Ce mot « il y a un Dieu » ne s’effacera jamais. Le plus grand pécheur le prononcera souvent, même sans y penser. Mais laissons ces impies de côté. Heureusement, quoique vous ne soyez pas aussi bon chrétiens que vous devriez l’être, grâce à Dieu, vous n’êtes pas encore de ce nombre.

Mais, me direz-vous, qui sont ceux qui sont tantôt à Dieu, tantôt au monde ? Mes frères, le voici. Je les compare (si j’ose me servir de ce terme) à ces chiens qui se donnent au premier qui les appelle. Suivez-les du matin jusqu’au soir, du commencement de l’année jusqu’à la fin. Ces gens-là ne regardent le dimanche que comme un jour de repos et de plaisir. Ils restent plus longtemps au lit que les jours de la semaine et, au lieu de donner leur cœur au bon Dieu, ils n’y pensent pas même. Ils penseront, les uns à leur plaisir, aux personnes qu’ils verront ; les autres, aux marchés qu’ils feront ou à l’argent qu’ils iront porter ou recevoir. A peine font-ils un signe de croix, tant bien que mal. Sous prétexte qu’ils iront à l’église, ils ne feront point de prières en se disant : « Oh ! J’ai bien le temps de la faire avant la messe. » Ils ont toujours à faire avant de partir à la messe. Ils ont cru du reste qu’ils auraient le temps de faire leur prière et ils ne sont pas seulement au commencement de la sainte messe. S’ils trouvent un ami en chemin, ils ne font point de difficulté de le mener chez eux et de laisser la messe pour une autre fois. Cependant, comme ils veulent encore paraître chrétiens aux yeux du monde, ils y vont encore quelquefois. Mais c’est avec un ennui et un dégoût mortels. Voilà la pensée qui les occupe : « Mon Dieu, quand est-ce que cela sera fini ? » Vous les voyez à l’église, surtout pendant l’instruction, tourner la tête d’un côté et d’un autre, demander à leur voisin quelle heure il est. D’autres baillent et s’étendent, tournent les feuillets de leur livre, comme pour examiner si le libraire y a fait quelques fautes. D’autres, vous les voyez dormir comme dans un bon lit. La première pensée qui se présente à eux, ce n’est pas d’avoir profané un lieu si saint mais : « Mon Dieu, cela ne finira plus ! … Jamais, je ne reviens… » Et enfin, d’autres à qui la parole de Dieu (qui a tant converti de pécheurs), donne mal au cœur. Ils sont obligés de sortir, disent-ils, pour respirer un peu l’air, pour ne pas mourir. Vous les voyez tristes, peinés pendant les saints offices. Mais lorsque l’office est fini (et même souvent, le prêtre n’est pas encore descendu de l’autel, qu’ils se pressent à la porte à qui sortira le premier), vous voyez alors renaître cette joie qu’ils avaient perdue à l’office. Ils sont si fatigués que souvent, ils n’ont pas le courage de revenir à vêpres. Si on leur demande pourquoi ils ne vont pas à vêpres : « Ah ! vous disent-ils, il faudrait être toute la journée à l’église ; nous avons autre chose à faire ! » Pour ces personnes-là, il n’est question ni de catéchisme, ni de chapelet ni de prière du soir. Tout cela est regardé par elles comme des riens. Si on leur demande ce que l’on a dit à l’instruction : « Ah ! vous répondront-ils, il a assez crié !... Il nous a assez ennuyés !... Je ne m’en rappelle pas seulement !... Si ce n’était pas si long, on retiendrait bien mieux. Voilà ce qui dégoûte le monde d’aller aux offices : c’est parce que c’est trop long… » Vous avez raison de dire : le monde, parce que ces gens-là sont du nombre de ceux qui sont du monde, sans bien le savoir. Mais, allons, nous tâcherons de leur mieux faire comprendre (du moins, s’ils le veulent). Mais étant sourds et aveugles (comme ils le sont), il est bien difficile de leur faire entendre les paroles de vie, et étant aveugles, il sera encore mal aisé de leur faire comprendre leur état malheureux. D’abord, chez eux, il n’est plus question de dire le Bénédicité avant le repas, ni leur action de grâces après, ni leur Angélus. Si, par une ancienne habitude, ils le font, si vous en êtes témoin, cela vous fait mal au cœur : les femmes le font en travaillant, en criant après leurs enfants ou leurs domestiques ; les hommes le font en tournant leur chapeau ou leur bonnet entre les mains, comme pour examiner s’ils ont des trous. Ils pensent autant au bon Dieu, que s’ils croyaient véritablement qu’il n’y en ait point, et que c’est pour rire qu’ils font cela. Ils ne se font point scrupule de vendre ou d’acheter le saint jour du dimanche, quoiqu’ils sachent très bien (ou du moins ils doivent savoir) qu’un marché un peu gros fait le dimanche, sans nécessité, est un péché mortel. Ces gens-là regardent toutes ces choses comme des riens. Ils iront dans une paroisse, en ces saints jours, pour affermer les domestiques. Si on leur dit qu’ils font mal : « Ah ! vous disent-ils, il faut bien y aller quand on peut les trouver. » Ils ne font point difficulté d’aller payer leurs impôts le dimanche, parce que dans la semaine, il faudrait aller un peu plus loin, et prendre quelques moments de plus.

Ah ! Me direz-vous, nous ne faisons pas attention à tout cela.  

Vous ne faites pas attention à tout cela, mon ami, je n’en suis pas étonné, c’est que vous êtes du monde. Vous voudriez être à Dieu et contenter le monde. Savez-vous, mes frères, ce que sont ces personnes ? Ce sont des personnes qui n’ont pas encore entièrement perdu la foi, et à qui il reste encore quelque attachement au service de Dieu, qui ne voudraient pas tout abandonner, car elles blâment elles-mêmes ceux qui ne fréquentent plus les offices ; mais elles n’ont pas assez de courage pour rompre avec le monde, et pour se tourner du côté du bon Dieu. Ces gens-là ne voudraient pas se damner, mais ils ne voudraient pas non plus se gêner. Ils espèrent pouvoir se sauver, sans tant se faire de violences. Ils ont la pensée que le bon Dieu étant si bon, ne les a pas crées pour les perdre, qu’il les pardonnera bien tout de même, qu’un temps viendra où ils se donneront au bon Dieu, qu’ils se corrigeront, qu’ils quitteront leurs mauvaises habitudes. Si, dans quelques moments de réflexion, ils se mettent leur pauvre vie un petit peu devant les yeux, ils en gémissent, et quelquefois même, ils en verseront des larmes…

Hélas ! Mes frères, quelle triste vie mènent ceux qui voudraient être au monde sans cesser d’être à Dieu ! Allons un peu plus loin et vous allez encore mieux comprendre, vous allez voir combien leur vie même est ridicule. Un moment vous les entendrez prier le bon Dieu ou faire un acte de contrition, et un autre moment, vous les entendrez jurer, peut-être même le Saint nom de Dieu, si quelque chose ne va pas comme ils veulent. Ce matin, vous les avez vus à la sainte messe chanter ou entendre les louanges de Dieu et, dans le même jour, vous les voyez tenir les propos les plus infâmes. Les mêmes mains qui ont pris de l’eau bénite, en demandant à Dieu de les purifier de leurs péchés, un instant après, les mêmes mains sont employées à faire des attouchements sales sur eux ou peut-être même sur d’autres. Les mêmes yeux, qui, ce matin, ont eu le grand bonheur de contempler Jésus Christ lui-même dans la sainte hostie, dans le courant du jour, se porteront volontairement sur les objets les plus déshonnêtes, et cela, avec plaisir. Hier, vous avez vu cet homme faire la charité à son prochain, ou lui rendre service. Aujourd’hui, il tâchera de le tromper, s’il peut y trouver son profit. Il n’y a qu’un moment que cette mère souhaitait toutes sortes de bénédictions à ses enfants, et maintenant qu’ils l’ont contrariée, elle les accable de toutes sortes de malheurs : elle ne voudrait jamais les avoir vus, elle voudrait être aussi loin d’eux qu’elle en est près, elle finit par les donner au démon, afin de s’en débarrasser ! Un moment, elle envoie ses enfants à la sainte messe ou se confesser. Un autre, elle les enverra à la danse, ou du moins, elle fera semblant de ne pas le savoir, ou elle le leur défendra en riant, ce qui veut dire : « Pars ! ». Une fois, elle dira à sa fille d’être bien réservée, de ne pas fréquenter les mauvaises compagnies et, une autre fois, elle la voit passer des heures entières avec des jeunes gens, sans rien lui dire. Allez, ma pauvre mère, vous êtes du monde. Vous croyez être à Dieu, par quelque extérieur de religion que vous pratiquez. Vous vous trompez : vous êtes du nombre de ceux à qui Jésus Christ a dit : « Malheur au monde. » Voyez ces gens qui croient être à Dieu et qui sont au monde : ils ne se font pas scrupule de prendre à leur voisin, tantôt du bois, tantôt quelques fruits et mille autres choses. Tant qu’ils sont flattés dans leurs actions, qu’ils font pour ce qui regarde la religion, ils ont même bien du plaisir à le faire, ils montrent beaucoup d’empressement, ils sont bons pour donner des conseils aux autres. Mais, sont-ils méprisés ou calomniés, alors vous les voyez se décourager, se tourmenter parce qu’on les traite de cette manière. Hier, ils ne voulaient que du bien à ceux qui leur font du mal, et aujourd’hui, ils ne peuvent plus les souffrir, ni souvent même les voir ni leur parler.

Pauvre monde ! Que vous êtes malheureux, allez votre train ordinaire, allez, vous ne pouvez espérer que l’enfer ! Les uns voudraient même fréquenter les sacrements, au moins une fois l’année. Mais, pour cela, il faudrait un confesseur bien facile. Ils voudraient seulement… et voilà tout. Si le confesseur ne les voit pas assez bien disposés et qu’il leur refuse l’absolution, les voilà qui se déchaînent contre lui, en disant tout ce qui pourra les justifier de ce qu’ils n’ont pas achevé leur confession. Ils en diront du mal. Ils savent bien pourquoi ils restent en chemin. Mais comme ils savent aussi que le confesseur ne peut rien leur accorder, alors ils se contentent en disant tout ce qu’ils veulent. Allez, monde, allez votre train ordinaire, vous verrez un jour ce que vous n’avez pas voulu voir. Il faudrait donc que nous puissions partager notre cœur en deux ! Mais non, mon ami, ou tout à Dieu ou tout au monde. Vous voulez fréquenter les sacrements ? Eh bien ! Laissez les jeux, les danses et les cabarets. D’ailleurs vous avez bien bonne grâce de venir aujourd’hui vous présenter au tribunal de la pénitence, vous asseoir à la table sainte manger le pain des anges. Dans trois ou quatre semaines, peut-être moins, l’on vous verra passer la nuit parmi les ivrognes qui regorgent de vin, et encore bien plus, faire les actes les plus infâmes de l’impureté. Allez, monde, allez ! Vous serez bientôt en enfer. On vous y apprendra ce que vous deviez faire pour aller au ciel que vous avez perdu bien par votre faute…

Malheur au monde ! Allez, monde, suivez votre maître comme vous l’avez fait jusqu’à présent. Vous voyez très bien que vous vous êtes trompés en suivant le monde. Eh bien ! Mes frères, en serez-vous plus sages ? Non, mes frères, non. Si une personne nous trompe une fois, nous dirons : « Nous ne nous fions plus à elle ; et nous avons bien raison. » Le monde nous trompe continuellement, et cependant, nous l’aimons. « Gardez-vous bien, nous dit Saint Jean, d’aimer le monde et de vous attacher à quoi que ce soit dans le monde. » « C’est en vain, nous dit le Prophète, que nous porterions la lumière à cette sorte de gens. Ils ont été trompés et ils le seront encore. Ils n’ouvriront les yeux que dans le temps, où ils n’auront plus d’espérance de revenir à Dieu. » Ah ! Mes frères, si nous faisions bien réflexion sur ce que c’est que le monde, nous passerions notre vie à recevoir ses adieux et à lui faire les nôtres. A l’âge de quinze ans, nous avons dit adieu aux amusements de l’enfance, nous avons regardé comme des niaiseries que de courir après les mouches, comme font les enfants qui leur bâtissent des maisons de cartes ou de boue. A trente ans, vous avez commencé à dire adieu aux plaisirs bruyants d’une jeunesse fougueuse. Ce qui vous plaisait si fort dans ce temps-là, commence déjà à vous ennuyer. Disons mieux, mes frères, chaque jour, nous disons adieu au monde. Nous faisons comme un voyageur qui jouit de la beauté des pays où il a passé. A peine les voit-il, qu’il faut déjà les quitter. Il en est de même des biens et des plaisirs auxquels nous avons tant d’attache. Enfin, nous arrivons au bord de l’éternité, qui engloutît tout dans ses abîmes. Ah ! C’est alors, mes frères, que le monde va disparaître pour toujours à nos yeux, et que nous reconnaîtrons notre folie de nous y être attachés. Et tout ce que l’on nous a dit du péché !... Tout cela était donc bien vrai, dirons-nous. Hélas ! Je n’ai vécu que pour le monde, je n’ai cherché que le monde dans tout ce que j’ai fait, et les biens et les plaisirs du monde ne sont plus rien pour moi ! Tout m’échappe des mains : ce monde que j’ai tant aimé, ces biens et ces plaisirs, qui ont tant occupé mon cœur et mon esprit !... Il faut maintenant que je retourne vers mon Dieu !... Ah ! Mes frères, que cette pensée est consolante, pour celui qui n’a cherché que Dieu seul pendant sa vie ! Mais qu’elle est désespérante pour celui qui a perdu de vue son Dieu et le salut de son âme.

21 septembre 2013

NE SUIVEZ QU'UN MAITRE

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Ah ! Mon Dieu, quelle triste vie mène celui qui veut plaire au monde et au bon Dieu ! Non, mon ami, vous vous trompez. Outre que vous vivrez toujours malheureux, vous ne viendrez jamais à bout de plaire au monde et au bon Dieu. Cela vous est aussi impossible que de mettre fin à l’éternité. Voici le conseil que j’ai à vous donner, et vous serez moins malheureux : ou donnez-vous tout a bon Dieu, ou tout au monde. Ne cherchez, et ne suivez qu’un maître, et une fois à sa suite, ne le quittez pas. Vous ne vous rappelez donc pas de ce que Jésus Christ vous dit dans l’Evangile ? Vous ne pouvez servir Dieu et le monde, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas suivre le monde avec ses plaisirs, et Jésus Christ avec sa croix. N’est-ce pas que vous avez bonne grâce d’être tantôt à Dieu et tantôt au monde ! Parlons plus clairement : il faudrait que votre conscience, que votre cœur vous permît d’être le matin à la table sainte et le soir, à la danse ; une partie du jour à l’église et le reste dans les cabarets ou dans les jeux ; un moment parler du bon Dieu, et un autre moment dire des saletés, ou bien des calomnies contre le prochain ; une fois, faire du bien à votre voisin, et un autre moment lui faire du tort ; c’est-à-dire, qu’avec les bons, vous ferez le bien, parlerez du bon Dieu, avec les méchants, vous ferez le mal.

21 septembre 2013

ON AIME LE MONDE ET RIEN LE BON DIEU

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Ah ! Mes frères, si l’on faisait pour le bon Dieu ce que l’on fait pour le monde, que de chrétiens iraient au ciel ! Hélas ! Mes frères, s’il vous fallait passer des trois ou quatre heures dans une église à prier, comme vous les passez dans une danse ou dans un cabaret, que le temps vous durerait !... S’il fallait faire plusieurs lieues pour entendre un sermon, comme on le fait pour ses plaisirs ou bien pour contenter son avarice, hélas ! Mes frères, que de prétextes, que de détours, on prendrait pour ne pas y aller ! Mais, pour le monde,  rien ne coûte. Bien plus, l’on ne craint de perdre ni son Dieu, ni son âme, ni le ciel. Oh ! Mes frères, que Jésus Christ avait donc bien raison lorsqu’il disait que les enfants du siècle avaient bien plus de zèle pour servir leur maître qui est le monde, que les enfants de lumière n’en ont pour servir leur maître qui est le Seigneur. Hélas ! Mes frères, disons-le à notre honte, l’on ne craint ni dépenses ni même de faire des dettes quand il s’agit de ses plaisirs ; mais si un pauvre leur demande, ils n’ont rien. Voilà ce que c’est, l’on a tout pour le monde et rien pour le bon Dieu, parce que l’on aime le monde et rien le bon Dieu.

 

21 septembre 2013

L’ON SUIT SES ROUTINES

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O mon Dieu ! Quel aveuglement ! Ah ! Maudit péché d’hypocrisie, que tu traînes d’âmes en enfer, avec des actions qui, si elles étaient bien faites, les conduiraient droit au ciel ! Hélas ! Une bonne partie des chrétiens ne se connaissent pas et ne cherchent pas même à se connaître. L’on suit ses routines, ses habitudes, et l’on ne veut pas entendre raison. On est aveugle, et l’on marche en aveugle. Si un prêtre veut leur faire connaître leur état, ils ne vous écoutent pas ou, s’ils font semblant de vous écouter, ils n’en font rien pour cela. Voilà, mes frères, l’état le plus malheureux que l’on puisse imaginer, et, peut-être, le plus dangereux.

 

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21 septembre 2013

NOUS SOMMES DES MISERABLES

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Non, mes frères, nous ne pouvons considérer la conduite des Juifs sans être saisis d’étonnement. Ce peuple même l’attendait depuis quatre mille ans, il avait tant prié par le désir qu’il avait de le recevoir ; et lorsqu’il vient, il ne se trouve personne pour lui prêter un petit logement : il lui faut, tout puissant et tout Dieu qu’il est, emprunter à des animaux une demeure. Cependant, mes frères, je trouve dans la conduite des Juifs toute criminelle qu’elle est, non un sujet d’excuses pour ce peuple, mais un motif de condamnation pour la plupart des chrétiens. Nous voyons que les Juifs s’étaient formés une idée de leur libérateur qui ne s’accordait pas avec l’état d’humiliation où il parut. Ils semblaient ne pas pouvoir se persuader qu’il fût celui qui devait être leur libérateur : puisque Saint Paul nous dit très bien que si les Juifs l’avaient connu pour Dieu, ils ne l’auraient jamais fait mourir. Voilà une petite excuse pour les Juifs. Mais pour nous, mes frères, quelle excuse pouvons-nous avoir dans notre froideur et notre mépris pour Jésus Christ ? Oui, sans doute, mes frères, nous croyons véritablement que Jésus Christ a paru sur la terre, qu’il a donné les preuves les plus convaincantes de sa divinité. Voilà ce qui fait l’objet de notre solennité. Ce même Dieu veut prendre par l’effusion de sa grâce une naissance spirituelle dans nos cœurs. Voilà les motifs de notre confiance. Nous nous glorifions, et nous avons bien raison de reconnaître Jésus Christ pour notre Dieu, notre Sauveur et notre modèle. Voilà le fonctionnement de notre foi. Mais, dites-moi, avec tout cela quel hommage lui rendons-nous ? Que faisons-nous de plus pour lui  que si nous ne croyions pas tout cela ? Dites-moi, mes frères, notre conduite répond-elle à notre croyance ? Nous sommes des misérables. Nous sommes encore plus coupables que les Juifs.

20 septembre 2013

AVEZ-VOUS LA RELIGION DANS LE CŒUR ?

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Hélas ! Mes frères, que sommes-nous devenus, même depuis notre conversion ? Au lieu d’aller toujours en augmentant, hélas ! Quelle lâcheté et quelle indifférence ! Non, le bon Dieu ne peut pas souffrir cette perpétuelle inconstance où l’on passe de la vertu au vice et du vice à la vertu. Dites-moi, mes frères, n’est-ce pas là votre conduite ou votre manière de vivre ? Votre pauvre vie est-elle autre chose qu’une suite de péchés et de vertus ? N’est-ce pas, que vous vous confessez et que, le lendemain, vous retombez et, peut-être, le même jour ?... Pourquoi cela, mes frères, sinon parce que vous n’avez qu’une fausse religion, une religion d’habitude et de penchant, et non une religion dans le cœur. Allez, mon ami, vous n’êtes qu’un inconstant. Allez, mon frère, vous n’avez qu’une fausse dévotion. Vous n’êtes, dans tout ce que vous faites, qu’un hypocrite et rien de plus : le bon Dieu n’a pas la première place dans votre cœur, mais bien le monde et le démon. Hélas ! Mes frères, combien de personnes qui, pendant un certain temps, semblent aimer le bon Dieu tout de bon, et ensuite l’abandonnent ! Que trouvez-vous donc de dur et de pénible dans le service de Dieu, qui vous a si fort rebuté  et vous a fait tourner du côté du monde ? Cependant, dans le moment où Dieu vous a fait connaître votre état, vous en avez gémi, vous avez reconnu combien vous vous étiez trompé. Hélas ! Si vous avez peu persévéré, la raison de ce malheur est que le démon était bien fâché de vous avoir perdu. Il a tant fait qu’il vous a regagné. Il espère maintenant vous garder tout à fait. Hélas ! Que d’apostats qui ont renoncé à leur religion et qui ne sont plus chrétiens que de nom !

« Mais, me direz-vous, comment peut-on connaître que nous avons la religion dans le cœur, cette religion qui ne se dément jamais ? Mes frères, le voici : écoutez-le bien et vous comprendrez si vous l’avez telle que Dieu la veut pour vous conduire au ciel. Une personne qui a une véritable vertu, rien n’est capable de la faire changer, elle est comme un rocher au milieu de la mer et battu par la tempête. Qu’on vous méprise, que l’on vous calomnie, que l’on se moque de vous, que l’on vous traite d’hypocrite, de faux dévot : tout cela ne vous ôte nullement la paix de l’âme. Vous les aimez autant que vous les aimiez quand ils disaient du bien de vous. Vous ne laissez pas de leur faire du bien et de les soutenir quand même ils en disent du mal. Vous faites vos prières, vos confessions, vos communions, vous allez à la sainte messe, tout comme à votre ordinaire. Pour mieux vous le faire comprendre, en voici un exemple. Il est rapporté que dans une paroisse, il y avait un jeune homme qui était un modèle de vertu. Il allait presque tous les jours à la sainte messe, il communiait souvent. Il arriva qu’un autre, jaloux de l’estime que l’on avait de ce jeune homme, un jour qu’ils étaient tous les deux dans une compagnie avec un voisin qui avait une belle tabatière en or, le jaloux la prit de la poche de son voisin et la mit dans celle du jeune homme sans qu’il s’en aperçût. Après avoir fait ce coup, sans faire semblant, il lui demande à voir sa tabatière. L’autre croit la trouver dans sa poche et est bien étonné de ne pas la trouver. L’on ne laisse personne sortir de la chambre sans fouiller tout le monde. On la trouve dans la poche du jeune homme qui était un modèle de sagesse. Voilà que tout le monde se met à crier au voleur et à tomber sur sa religion, à le traiter d’hypocrite, de faux dévot. Ce jeune homme ne pouvait pas se défendre, vu qu’on l’avait trouvée dans sa poche. Il ne dit rien, il souffrit tout cela comme venant de la main de Dieu. Quand il passait dans la rue, qu’il venait de l’église, de la messe ou de communier, tous ceux qui le voyaient passer le raillaient en l’appelant hypocrite, faux dévot et voleur. Cela dura bien longtemps. Malgré tout, il continua toujours ses exercices de religion, ses confessions, ses communions et toutes ses prières, comme si tout le monde lui avait porté le plus grand respect. Au bout de quelques années, celui qui avait été cause de tout cela, étant tombé malade, confessa devant tous ceux qui étaient présents, que c’était lui-même qui avait été cause de tout le mal qu’on avait dit de ce jeune homme qui était un saint et que, par jalousie, afin de le faire mépriser, il lui avait mis cette tabatière dans sa poche.

Eh bien ! Mes frères, voilà une religion qui est une véritable religion, qui a pris racine dans l’âme. Dites-moi, si tous ces pauvres chrétiens qui font profession de religion étaient mis à de pareilles épreuves, imiteraient-ils ce jeune homme ? Hélas ! Mes frères, que de murmures, que de rancunes, que de pensées de vengeance, et la médisance, et la calomnie, et peut-être même aller en justice… On se déchaîne contre la religion, on la raille, on la méprise, on en dit du mal, l’on ne peut plus prier le bon Dieu, l’on ne peut plus entendre la sainte messe, on ne sait plus ce que l’on fait, l’on en parle, on tâche de dire tout ce qui est capable de nous justifier, on ramasse tout le mal que cette personne a fait, on le dit à d’autres, on le répète à tous ceux que l’on connaît pour les faire passer pour des menteurs et calomniateurs. Pourquoi cette conduite, mes frères ? Sinon que nous n’avons qu’une religion de caprice, de penchant et de routine, et si nous disions mieux, parce que nous ne sommes que des hypocrites, qui ne servent le bon Dieu que lorsque tout va selon vos caprices. Hélas ! Mes frères, toutes ces vertus que nous voyons paraître dans le plus grand nombre des chrétiens ne sont que comme ces fleurs du printemps, qu’un seul coup de vent chaud brûle.

 

20 septembre 2013

DE L’ETAT EPOUVANTABLE D’UNE AME TIEDE

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En vous parlant aujourd’hui, mes frères, de l’état épouvantable d’une âme tiède, mon dessein n’est pas de vous faire la peinture effrayante et désespérante d’une âme qui vit dans le péché mortel, sans même avoir le désir d’en sortir. Cette pauvre malheureuse n’est qu’une victime de la colère de Dieu pour l’autre vie. Hélas ! Ces pécheurs m’écoutent, ils savent bien de qui je parle en ce moment… N’allons pas plus loin, tout ce que je vous dirais ne servirait qu’à les endurcir davantage. En vous parlant, mes frères, d’une âme tiède, je ne veux pas davantage vous parler de ceux  qui ne font ni Pâques ni confessions. Ils savent très bien que malgré toutes leurs prières et leurs autres bonnes œuvres, ils seront perdus. Laissons-les dans leur aveuglement puisqu’ils y veulent rester…

Je n’entends pas encore, mes frères, par une âme tiède, celui qui voudrait être au monde sans cesser d’être à Dieu. Vous le verrez un moment se prosterner devant Dieu, son Sauveur et son maître et, un autre moment, vous le verrez se prosterner devant le monde, son idole. Pauvre aveugle qui tend une main au bon Dieu et l’autre au monde, qu’il appelle tous deux à son secours, en promettant à chacun son cœur ! Il aime le bon Dieu, du moins il voudrait l’aimer, mais il voudrait aussi plaire au monde. Lassé de vouloir se donner à tous les deux, il finit par ne plus se donner qu’au monde. Vie extraordinaire et qui présente un spectacle si singulier que l’on ne peut pas se persuader que ce soit la vie d’une même personne. Je vais vous la montrer d’une manière si claire que, peut-être plusieurs d’entre vous en seront offensés. Mais peu m’importe, je vous dirais toujours ce que je dois dire, et vous en ferez ce que vous voudrez…

Je dis plus, mes frères, celui qui veut plaire au monde et au bon Dieu, mène une vie des plus malheureuses. Vous allez le voir. Voici une personne qui fréquente les plaisirs, ou qui a contracté quelque mauvaise habitude. Quelle n’est pas sa crainte quand elle remplit ses devoirs de religion, c’est-à-dire quand elle prie le bon Dieu, quand elle se confesse ou veut communier ! Elle ne voudrait pas être vue de ceux avec qui elle a dansé et passé des nuits dans les cabarets où elle s’est livrée à toutes sortes de désordres. Est-elle venue à bout de tromper son confesseur, en cachant tout ce qu’elle a fait de pire, et a-t-elle ainsi obtenu la permission de communier, ou plutôt de faire un sacrilège ? Elle voudrait communier avant ou après la sainte messe, c’est-à-dire dans le moment où il n’y a personne. Mais elle est contente d’être vue des personnes qui sont sages, qui ignorent sa mauvaise vie, et auxquelles elle espère inspirer une bonne opinion d’elle-même. Avec les personnes de piété, elle parle de religion. Avec les gens sans religion, elle ne parlera que des plaisirs du monde. Elle rougirait d’accomplir ses pratiques religieuses devant les compagnons ou devant les compagnes de ses débauches. Cela est si vrai qu’un jour quelqu’un m’a demandé de le faire communier à la sacristie, afin que personne ne le vît. Quelle horreur ! Mes frères, peut-on y penser et ne pas frémir d’une telle conduite ? Mais allons plus loin, vous allez voir l’embarras de ces pauvres personnes qui veulent suivre le monde sans quitter le bon Dieu, du moins en apparence.

Voilà les Pâques qui approchent. Il faut aller se confesser. Ce n’est pas qu’elles le désirent, ni qu’elles en sentent le besoin. Elles voudraient bien plutôt que les Pâques n’arrivent que tous les trente ans. Mais leurs parents tiennent encore à la pratique extérieure de la religion. Ils sont contents que leurs enfants se présentent à la sainte table. Ils les pressent même d’aller se confesser. En cela, ils font très mal. Qu’ils prient pour eux, et ne les tourmentent pas pour leur faire faire des sacrilèges, hélas ! Ils en feront assez. Pour se délivrer de l’importunité de leurs parents, pour sauver les apparences, ces personnes se rassembleront afin de savoir à quel confesseur il faut aller pour être absoutes la première ou la deuxième fois.

« Voilà déjà plusieurs fois, dit l’une, que les parents me tourmentent de ce que je ne vais pas me confesser. Où irons-nous ? »

« Il ne faut pas aller chez notre curé, il est trop scrupuleux. Il ne nous ferait pas faire de Pâques. Il nous faut aller trouver un tel. Il a passé telles et telles qui en ont bien autant commis que nous. Nous n’avons pas fait plus de mal qu’elles. »

Une autre dira : « Je t’assure que si ce n’étaient pas mes parents, je ne ferais point de Pâques, puisque notre catéchisme nous dit que pour faire une bonne confession, il faut quitter le péché et l’occasion du péché, et nous ne faisons ni l’un ni l’autre. Je te le dis sincèrement, je suis bien embarrassée toutes les fois que les Pâques arrivent. Je ne vois les heures d’être établie pour ne plus courir. Alors je ferais une confession de toute ma vie pour réparer celles que je fais maintenant, sans cela je ne mourrais pas contente. »

« Eh bien ! Lui dira une autre, il te faudra retourner à celui qui t’a confessée jusqu’à présent, il te connaîtra bien mieux. »

« Ah ! Certes non ! J’irai à celui qui ne m’a pas voulu passer, parce qu’il ne voulait pas me damner. »

« Ah ! Que tu es bonne ! Cela ne fait rien, ils ont bien tous le même pouvoir. »

« Cela est bon à dire tant que l’on se porte bien ; mais quand on est malade, on pense bien autrement. Un jour, j’allais voir une telle qui était bien malade. Elle me dit que jamais elle ne retournerait se confesser à ces prêtres qui sont si faciles, et qui, en faisant semblant de vouloir vous sauver, vous jettent en enfer. »

C’est ainsi que se conduisent beaucoup de ces pauvres aveugles.

« Mon père, disent-elles au prêtre, je viens me confesser à vous, parce que notre curé est trop scrupuleux. Il veut nous faire promettre des choses que nous ne pouvons pas tenir. Il voudrait que nous soyons des saints, et cela n’est pas trop possible dans le monde. Il voudrait que nous ne mettions jamais le pied à la danse, que nous ne fréquentions jamais les cabarets ni les jeux. Si l’on a quelque mauvaise habitude, il n’accorde plus l’absolution qu’on ne l’ait quittée tout à fait. S’il fallait faire tout cela, nous ne ferions jamais de Pâques.  Mes parents qui ont bien de la religion me sont toujours après sur ce que je ne fais pas mes Pâques. Je ferai tout ce que je pourrai. Mais l’on ne peut pas dire que l’on ne retournera plus dans ces amusements, puisque l’on ne sait pas les occasions que l’on pourrait rencontrer.

« Ah ! lui dira le confesseur, trompé par ce beau langage, je vois que votre curé est un peu scrupuleux. Faites votre acte de contrition, je vais vous donner l’absolution, et tâchez d’être sage. »

C’est-à-dire : baissez la tête, vous allez fouler le sang adorable de Jésus Christ, vous allez vendre votre Dieu comme Judas l’a vendu à ses bourreaux et, demain, vous communierez ou, plutôt, vous irez le crucifier. O horreur ! O abomination ! Va ! Infâme Judas, va à la table sainte, va donner la mort à ton Dieu et à ton sauveur ! Laisse crier ta conscience, tâche seulement d’en étouffer les remords, autant que tu le pourras… Mais, mes frères, je vais trop loin, laissons ces pauvres aveugles à leurs ténèbres.

Je pense, mes frères, que vous désirez savoir ce que c’est que l’état d’une âme tiède. Hé bien ! Le voici : une âme tiède n’est pas encore tout à fait morte aux yeux de Dieu, parce que la foi, l’espérance et la charité, qui sont sa vie spirituelle, ne sont pas tout à fait éteintes. Mais c’est une foi sans zèle, une espérance sans fermeté, une charité sans ardeur…

Rien ne le touche : il écoute la parole de Dieu, il est vrai ; mais souvent, il s’ennuie. Il écoute avec peine, par habitude, comme une personne qui pense qu’elle en sait assez, ou qu’elle en fait assez. Les prières qui sont un peu longues le dégoûtent. Son esprit est si rempli de l’action qu’il vient de finir, ou de celle qu’il va faire, son ennemi est si grand que sa pauvre âme est comme à l’agonie. Il vit encore, mais il n’est capable de rien pour le ciel…

Il y a vingt ans qu’elle est remplie de bons désirs, sans avoir modifié en rien ses habitudes. Elle ressemble à une personne qui porte envie à celui qui est sur un char de triomphe, mais ne daigne pas seulement lever le pied pour y monter. Elle ne voudrait pas cependant renoncer aux biens éternels pour ceux de la terre. Mais elle ne désire ni sortir de ce monde, ni aller au ciel, et si elle pouvait passer son temps sans croix et sans chagrins, elle ne demanderait jamais à sortir de ce monde. Si vous lui entendez dire que la vie est bien longue et bien misérable, c’est seulement quand tout ne va pas selon ses désirs. Si le bon Dieu, pour la forcer en quelque sorte à se détacher de la vie, lui envoie des croix ou des misères, la voila qui se tourmente, qui se chagrine, qui s’abandonne aux plaintes, aux murmures, et souvent à une espèce de désespoir. Elle semble ne plus vouloir reconnaître que c’est le bon Dieu qui lui envoie ces épreuves pour son bien, pour la détacher de la vie et l’attirer à lui. Qu’a-t-elle pu faire pour les mériter ? pense-t-elle en elle-même, bien d’autres plus coupables qu’elle n’en subissent pas autant.

Dans la prospérité, l’âme tiède ne va pas jusqu’à oublier le bon Dieu, mais elle ne s’oublie pas non plus elle-même. Elle sait très bien raconter tous les moyens qu’elle a employés pour réussir ; elle croit que bien d’autres n’auraient pas eu le même succès ; elle aime à le répéter, à l’entendre répéter ; chaque fois qu’elle l’entend, c’est avec une nouvelle joie. A l’égard de ceux qui la flattent, elle prend un air gracieux. Mais pour ceux qui ne lui ont pas porté tout le respect qu’elle croit mériter, ou qui n’ont pas été reconnaissants de ses bienfaits, elle garde un air froid, indifférent, et semble leur dire qu’ils sont des ingrats qui ne méritaient pas de recevoir le bien qu’elle leur a fait…

Si je voulais, mes frères, vous peindre exactement l’état d’une âme qui vit dans la tiédeur, je vous dirais qu’elle est semblable à une tortue ou à un escargot. Elle ne marche qu’en se traînant sur la terre, et à peine la voit-on changer de place. L’amour de Dieu, qu’elle ressent dans son cœur, est semblable à une petite étincelle de feu cachée sous un tas de cendres. L’âme tiède en vient à ce point d’être tout à fait indifférente à sa perte. Elle n’a plus qu’un amour sans tendresse, sans activité et sans force, qui la soutient à peine dans tout ce qui est essentiellement nécessaire pour être sauvée. Mais pour tout le reste, elle le regarde comme rien ou peu de choses. Hélas ! Mes frères, cette pauvre âme est dans sa tiédeur, comme une personne entre deux sommeils. Elle voudrait agir ; mais sa volonté est tellement molle qu’elle n’a ni la force, ni le courage d’accomplir ses désirs.

Il est vrai qu’un chrétien qui vit dans la tiédeur remplit encore assez régulièrement ses devoirs, du moins, en apparence. Il fera bien tous les matins sa prière à genoux. Il fréquentera bien les sacrements, tous les ans, à Pâques, et même plusieurs fois l’année. Mais en tout cela, il y a tant de dégoût, tant de lâcheté et tant d’indifférence, si peu de préparation, si peu de changement  dans sa manière de vivre, que l’on voit clairement qu’il ne s’acquitte de ses devoirs que par l’habitude et par routine, parce que c’est une fête, et qu’il a l’habitude de les remplir en ce temps-là. Ses confessions et ses communions ne sont pas sacrilèges, si vous le voulez, mais ce sont des confessions et des communions sans fruit, qui, bien loin de le rendre plus parfait et plus agréable à Dieu, ne les rendent que plus coupables. Pour ses prières, Dieu seul sait comment elles sont faites : hélas ! Sans préparation. Le matin, ce n’est pas du bon Dieu qu’il s’occupe, ni du salut de sa pauvre âme ; mais il ne pense qu’à bien travailler. Son esprit est tellement enveloppé des choses de la terre que la pensée de Dieu n’y a point de place. Il pense à ce qu’il fera dans la journée, où il enverra ses enfants et ses domestiques, de quelle manière il s’y prendra pour activer son ouvrage. Pour faire sa prière, il se met à genoux, il est vrai, mais il ne sait ni ce qu’il veut demander au bon Dieu, ni ce qui lui est nécessaire, ni même devant qui il se trouve. Ses manières, si peu respectueuses, l’annoncent bien. C’est un pauvre qui, quoique bien misérable, ne veut rien et aime sa pauvreté. C’est un malade presque désespéré, qui méprise les médecins et les remèdes, et aime ses infirmités. Vous voyez cette âme tiède ne faire aucune difficulté de parler, sous le moindre prétexte, dans le cours de ses prières. Un rien les lui fait abandonner, en partie, du moins, pensant qu’elle les fera à un autre moment. Veut-elle offrir sa journée à Dieu, dire son bénédicité et ses grâces ? Elle fait tout cela, il est vrai, mais souvent sans penser à qui elle parle. Elle ne quittera même pas son travail. Est-ce un homme ? Il tournera son bonnet ou son chapeau entre ses mains, comme pour examiner s’il est bon ou mauvais, comme s’il avait dessein de le vendre. Est-ce une femme ? Elle les récitera en coupant le pain de sa soupe, ou en poussant son bois au feu, ou bien en criant après ses enfants ou ses domestiques. Les distractions dans la prière ne sont pas bien volontaires, si vous le voulez. On aimerait mieux ne pas les avoir.  Mais, parce qu’il faut se faire quelque violence pour les chasser, on les laisse aller et venir à leur gré.

Une âme tiède ne travaille peut-être pas, le saint jour du dimanche, à des ouvrages qui paraissent défendus aux personnes qui ont un peu de religion ; mais faire quelques points d’aiguille, arranger quelque chose dans le ménage, envoyer ses bergers aux champs, durant les offices, sous prétexte qu’ils n’ont pas bien de quoi donner à leurs bêtes : ils ne s’en font pas de scrupule, et ainsi aiment mieux laisser périr leur âme et celles de leurs ouvriers que laisser périr leurs bêtes. Un homme arrangera ses outils, ses charrettes pour le lendemain ; il ira visiter ses terres, il bouchera un trou, il coupera quelques cordes, il apportera des seillons et les arrangera. Qu’en pensez-vous, mes frères ? N’est-ce pas, hélas ! La vérité toute pure ?...

Une âme tiède se confessera encore tous les mois, et même bien souvent. Mais hélas ! Quelles confessions ? Point de préparation, points de désirs de se corriger, du moins ils sont si faibles et si petits, que le premier coup de vent les renverse. Toutes ces confessions ne sont qu’une répétition des anciennes, bienheureux encore s’ils n’ont rien à y ajouter. Il y a vingt ans qu’ils accusaient ce qu’ils accusent aujourd’hui. Dans vingt ans s’ils se confessent encore, ce sera la même répétition. Une âme tiède ne commettra pas, si vous voulez, de gros péchés. Mais une médisance, un mensonge, un sentiment de haine, d’aversion, de jalousie, une petite dissimulation ne lui coûtent guère. Si vous ne lui portez pas tout le respect qu’elle croit mériter, elle vous le fera bien apercevoir, sous prétexte que l’on offense le bon Dieu ; elle devrait plutôt dire : parce qu’on l’offense elle-même. Il est vrai qu’elle ne laissera pas de fréquenter les sacrements, mais ses dispositions sont dignes de compassion. Le jour où elle veut recevoir son Dieu, elle passera une partie de la matinée à penser à ses affaires temporelles. Si c’est un homme, il pensera à ses marchés ou à ses ventes. Si c’est une femme, elle pensera à son ménage et à ses enfants. Si c’est une fille, à la manière dont elle va s’habiller. Si c’est un garçon, il rêvera à quelques plaisirs frivoles, et le reste. Elle renferme son Dieu comme dans une prison obscure et malpropre. Elle ne lui donne pas la mort, mais il est dans ce cœur sans joie et sans consolation. Toutes ces dispositions annoncent que sa pauvre âme n’a plus qu’un souffle de vie. Après avoir reçu la sainte communion, cette personne ne pense guère plus au bon Dieu que les autres jours. Sa manière de vivre nous annonce qu’elle n’a pas connu la grandeur de son bonheur.

Une personne tiède réfléchit peu sur l’état de sa pauvre âme, et ne revient presque jamais sur la passé. Si elle pense cependant à mieux faire, elle croit qu’ayant confessé ses péchés, elle doit être parfaitement tranquille. Elle assiste à la sainte messe, à peu près comme à une action ordinaire. Elle y pense peu sérieusement, et ne fait point de difficulté de causer de différentes choses en y allant. Elle ne pensera même peut-être une seule fois qu’elle va participer au plus grand de tous les dons que le bon Dieu puisse nous faire, tout Dieu qu’il est. Pour les besoins de son âme, elle y pense, il est vrai, mais bien faiblement. Souvent même elle se présente devant le bon Dieu sans savoir  ce qu’elle va lui demander. Elle se fait peu de scrupules de retrancher, sous le moindre prétexte, la Passion, la procession et l’eau bénite. Pendant les saints offices, elle ne veut pas dormir, il est vrai, et elle a même peur qu’on l’aperçoive, mais elle ne se fait pas la moindre violence. Quant aux distractions pendant la prière ou la sainte messe, elle ne voudrait pas les avoir. Mais comme il faudrait un peu combattre, elle les souffre avec patience, cependant, sans les aimer. Les jours de jeûne se réduisent presque à rien, soit parce qu’on avance l’heure du repas, soit parce qu’on collationne abondamment, ce qui revient à un souper, sous le prétexte que le ciel ne se prend pas par famine. Quand elle fait quelques bonnes actions, souvent son intention n’est pas bien purifiée : tantôt c’est pour faire plaisir à quelqu’un, tantôt c’est par compassion, et quelquefois pour plaire au monde. Avec eux, tout ce qui n’est pas un gros péché est assez bien… Ils aiment à faire le bien, mais ils voudraient qu’il ne leur coûtât rien, ou du moins, bien peu. Ils aimeraient encore à voir les malades, mais il faudrait que les malades vinssent les voir eux-mêmes. Ils ont de quoi faire l’aumône, ils savent bien que telle personne en a besoin ; mais ils attendent qu’elle vienne le leur demander, au lieu de la prévenir ; ce qui rendrait leur bonne œuvre bien plus méritoire. Disons mieux, mes frères, une personne qui mène une vie tiède ne laisse pas que de faire beaucoup de bonnes œuvres, de fréquenter les sacrements, d’assister régulièrement à tous les saints offices ; mais en tout cela, vous ne voyez qu’une foi faible, languissante, une espérance que la moindre épreuve renverse, un amour de Dieu et pour le prochain qui est sans ardeur, sans plaisir. Tout ce qu’elle fait n’est pas tout à fait perdu, mais peu s’en faut.

Voyez devant le bon Dieu, mes frères, de quel côté vous êtes. Du côté des pécheurs, qui ont tout abandonné, se plongent dans le péché, sans remords ? Du côté des âmes justes qui ne voient et ne cherchent que Dieu seul ? Ou bien êtes-vous du nombre de ces âmes lâches, tièdes et indifférentes, telles que nous venons de les dépeindre ? Dans quel chemin marchons-nous ? Qui pourra s’assurer qu’il n’est ni grand pécheur, ni tiède ; mais qu’il est élu ! Hélas ! Mes frères, combien semblent être de bons chrétiens aux yeux du monde, qui sont des âmes tièdes aux yeux de Dieu qui connaît notre intérieur…

Demandons au bon Dieu de tout notre cœur, si nous sommes dans cet état, de nous faire la grâce d’en sortir, pour prendre la route que tous les saints ont prise, afin d’arriver au bonheur dont ils jouissent. C’est ce que je vous souhaite…

 

20 septembre 2013

DE L’ETAT EPOUVANTABLE D’UNE AME TIEDE

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En vous parlant aujourd’hui, mes frères, de l’état épouvantable d’une âme tiède, mon dessein n’est pas de vous faire la peinture effrayante et désespérante d’une âme qui vit dans le péché mortel, sans même avoir le désir d’en sortir. Cette pauvre malheureuse n’est qu’une victime de la colère de Dieu pour l’autre vie. Hélas ! Ces pécheurs m’écoutent, ils savent bien de qui je parle en ce moment… N’allons pas plus loin, tout ce que je vous dirais ne servirait qu’à les endurcir davantage. En vous parlant, mes frères, d’une âme tiède, je ne veux pas davantage vous parler de ceux  qui ne font ni Pâques ni confessions. Ils savent très bien que malgré toutes leurs prières et leurs autres bonnes œuvres, ils seront perdus. Laissons-les dans leur aveuglement puisqu’ils y veulent rester…

Je n’entends pas encore, mes frères, par une âme tiède, celui qui voudrait être au monde sans cesser d’être à Dieu. Vous le verrez un moment se prosterner devant Dieu, son Sauveur et son maître et, un autre moment, vous le verrez se prosterner devant le monde, son idole. Pauvre aveugle qui tend une main au bon Dieu et l’autre au monde, qu’il appelle tous deux à son secours, en promettant à chacun son cœur ! Il aime le bon Dieu, du moins il voudrait l’aimer, mais il voudrait aussi plaire au monde. Lassé de vouloir se donner à tous les deux, il finit par ne plus se donner qu’au monde. Vie extraordinaire et qui présente un spectacle si singulier que l’on ne peut pas se persuader que ce soit la vie d’une même personne. Je vais vous la montrer d’une manière si claire que, peut-être plusieurs d’entre vous en seront offensés. Mais peu m’importe, je vous dirais toujours ce que je dois dire, et vous en ferez ce que vous voudrez…

Je dis plus, mes frères, celui qui veut plaire au monde et au bon Dieu, mène une vie des plus malheureuses. Vous allez le voir. Voici une personne qui fréquente les plaisirs, ou qui a contracté quelque mauvaise habitude. Quelle n’est pas sa crainte quand elle remplit ses devoirs de religion, c’est-à-dire quand elle prie le bon Dieu, quand elle se confesse ou veut communier ! Elle ne voudrait pas être vue de ceux avec qui elle a dansé et passé des nuits dans les cabarets où elle s’est livrée à toutes sortes de désordres. Est-elle venue à bout de tromper son confesseur, en cachant tout ce qu’elle a fait de pire, et a-t-elle ainsi obtenu la permission de communier, ou plutôt de faire un sacrilège ? Elle voudrait communier avant ou après la sainte messe, c’est-à-dire dans le moment où il n’y a personne. Mais elle est contente d’être vue des personnes qui sont sages, qui ignorent sa mauvaise vie, et auxquelles elle espère inspirer une bonne opinion d’elle-même. Avec les personnes de piété, elle parle de religion. Avec les gens sans religion, elle ne parlera que des plaisirs du monde. Elle rougirait d’accomplir ses pratiques religieuses devant les compagnons ou devant les compagnes de ses débauches. Cela est si vrai qu’un jour quelqu’un m’a demandé de le faire communier à la sacristie, afin que personne ne le vît. Quelle horreur ! Mes frères, peut-on y penser et ne pas frémir d’une telle conduite ? Mais allons plus loin, vous allez voir l’embarras de ces pauvres personnes qui veulent suivre le monde sans quitter le bon Dieu, du moins en apparence.

Voilà les Pâques qui approchent. Il faut aller se confesser. Ce n’est pas qu’elles le désirent, ni qu’elles en sentent le besoin. Elles voudraient bien plutôt que les Pâques n’arrivent que tous les trente ans. Mais leurs parents tiennent encore à la pratique extérieure de la religion. Ils sont contents que leurs enfants se présentent à la sainte table. Ils les pressent même d’aller se confesser. En cela, ils font très mal. Qu’ils prient pour eux, et ne les tourmentent pas pour leur faire faire des sacrilèges, hélas ! Ils en feront assez. Pour se délivrer de l’importunité de leurs parents, pour sauver les apparences, ces personnes se rassembleront afin de savoir à quel confesseur il faut aller pour être absoutes la première ou la deuxième fois.

« Voilà déjà plusieurs fois, dit l’une, que les parents me tourmentent de ce que je ne vais pas me confesser. Où irons-nous ? »

« Il ne faut pas aller chez notre curé, il est trop scrupuleux. Il ne nous ferait pas faire de Pâques. Il nous faut aller trouver un tel. Il a passé telles et telles qui en ont bien autant commis que nous. Nous n’avons pas fait plus de mal qu’elles. »

Une autre dira : « Je t’assure que si ce n’étaient pas mes parents, je ne ferais point de Pâques, puisque notre catéchisme nous dit que pour faire une bonne confession, il faut quitter le péché et l’occasion du péché, et nous ne faisons ni l’un ni l’autre. Je te le dis sincèrement, je suis bien embarrassée toutes les fois que les Pâques arrivent. Je ne vois les heures d’être établie pour ne plus courir. Alors je ferais une confession de toute ma vie pour réparer celles que je fais maintenant, sans cela je ne mourrais pas contente. »

« Eh bien ! Lui dira une autre, il te faudra retourner à celui qui t’a confessée jusqu’à présent, il te connaîtra bien mieux. »

« Ah ! Certes non ! J’irai à celui qui ne m’a pas voulu passer, parce qu’il ne voulait pas me damner. »

« Ah ! Que tu es bonne ! Cela ne fait rien, ils ont bien tous le même pouvoir. »

« Cela est bon à dire tant que l’on se porte bien ; mais quand on est malade, on pense bien autrement. Un jour, j’allais voir une telle qui était bien malade. Elle me dit que jamais elle ne retournerait se confesser à ces prêtres qui sont si faciles, et qui, en faisant semblant de vouloir vous sauver, vous jettent en enfer. »

C’est ainsi que se conduisent beaucoup de ces pauvres aveugles.

« Mon père, disent-elles au prêtre, je viens me confesser à vous, parce que notre curé est trop scrupuleux. Il veut nous faire promettre des choses que nous ne pouvons pas tenir. Il voudrait que nous soyons des saints, et cela n’est pas trop possible dans le monde. Il voudrait que nous ne mettions jamais le pied à la danse, que nous ne fréquentions jamais les cabarets ni les jeux. Si l’on a quelque mauvaise habitude, il n’accorde plus l’absolution qu’on ne l’ait quittée tout à fait. S’il fallait faire tout cela, nous ne ferions jamais de Pâques.  Mes parents qui ont bien de la religion me sont toujours après sur ce que je ne fais pas mes Pâques. Je ferai tout ce que je pourrai. Mais l’on ne peut pas dire que l’on ne retournera plus dans ces amusements, puisque l’on ne sait pas les occasions que l’on pourrait rencontrer.

« Ah ! lui dira le confesseur, trompé par ce beau langage, je vois que votre curé est un peu scrupuleux. Faites votre acte de contrition, je vais vous donner l’absolution, et tâchez d’être sage. »

C’est-à-dire : baissez la tête, vous allez fouler le sang adorable de Jésus Christ, vous allez vendre votre Dieu comme Judas l’a vendu à ses bourreaux et, demain, vous communierez ou, plutôt, vous irez le crucifier. O horreur ! O abomination ! Va ! Infâme Judas, va à la table sainte, va donner la mort à ton Dieu et à ton sauveur ! Laisse crier ta conscience, tâche seulement d’en étouffer les remords, autant que tu le pourras… Mais, mes frères, je vais trop loin, laissons ces pauvres aveugles à leurs ténèbres.

Je pense, mes frères, que vous désirez savoir ce que c’est que l’état d’une âme tiède. Hé bien ! Le voici : une âme tiède n’est pas encore tout à fait morte aux yeux de Dieu, parce que la foi, l’espérance et la charité, qui sont sa vie spirituelle, ne sont pas tout à fait éteintes. Mais c’est une foi sans zèle, une espérance sans fermeté, une charité sans ardeur…

Rien ne le touche : il écoute la parole de Dieu, il est vrai ; mais souvent, il s’ennuie. Il écoute avec peine, par habitude, comme une personne qui pense qu’elle en sait assez, ou qu’elle en fait assez. Les prières qui sont un peu longues le dégoûtent. Son esprit est si rempli de l’action qu’il vient de finir, ou de celle qu’il va faire, son ennemi est si grand que sa pauvre âme est comme à l’agonie. Il vit encore, mais il n’est capable de rien pour le ciel…

Il y a vingt ans qu’elle est remplie de bons désirs, sans avoir modifié en rien ses habitudes. Elle ressemble à une personne qui porte envie à celui qui est sur un char de triomphe, mais ne daigne pas seulement lever le pied pour y monter. Elle ne voudrait pas cependant renoncer aux biens éternels pour ceux de la terre. Mais elle ne désire ni sortir de ce monde, ni aller au ciel, et si elle pouvait passer son temps sans croix et sans chagrins, elle ne demanderait jamais à sortir de ce monde. Si vous lui entendez dire que la vie est bien longue et bien misérable, c’est seulement quand tout ne va pas selon ses désirs. Si le bon Dieu, pour la forcer en quelque sorte à se détacher de la vie, lui envoie des croix ou des misères, la voila qui se tourmente, qui se chagrine, qui s’abandonne aux plaintes, aux murmures, et souvent à une espèce de désespoir. Elle semble ne plus vouloir reconnaître que c’est le bon Dieu qui lui envoie ces épreuves pour son bien, pour la détacher de la vie et l’attirer à lui. Qu’a-t-elle pu faire pour les mériter ? pense-t-elle en elle-même, bien d’autres plus coupables qu’elle n’en subissent pas autant.

Dans la prospérité, l’âme tiède ne va pas jusqu’à oublier le bon Dieu, mais elle ne s’oublie pas non plus elle-même. Elle sait très bien raconter tous les moyens qu’elle a employés pour réussir ; elle croit que bien d’autres n’auraient pas eu le même succès ; elle aime à le répéter, à l’entendre répéter ; chaque fois qu’elle l’entend, c’est avec une nouvelle joie. A l’égard de ceux qui la flattent, elle prend un air gracieux. Mais pour ceux qui ne lui ont pas porté tout le respect qu’elle croit mériter, ou qui n’ont pas été reconnaissants de ses bienfaits, elle garde un air froid, indifférent, et semble leur dire qu’ils sont des ingrats qui ne méritaient pas de recevoir le bien qu’elle leur a fait…

Si je voulais, mes frères, vous peindre exactement l’état d’une âme qui vit dans la tiédeur, je vous dirais qu’elle est semblable à une tortue ou à un escargot. Elle ne marche qu’en se traînant sur la terre, et à peine la voit-on changer de place. L’amour de Dieu, qu’elle ressent dans son cœur, est semblable à une petite étincelle de feu cachée sous un tas de cendres. L’âme tiède en vient à ce point d’être tout à fait indifférente à sa perte. Elle n’a plus qu’un amour sans tendresse, sans activité et sans force, qui la soutient à peine dans tout ce qui est essentiellement nécessaire pour être sauvée. Mais pour tout le reste, elle le regarde comme rien ou peu de choses. Hélas ! Mes frères, cette pauvre âme est dans sa tiédeur, comme une personne entre deux sommeils. Elle voudrait agir ; mais sa volonté est tellement molle qu’elle n’a ni la force, ni le courage d’accomplir ses désirs.

Il est vrai qu’un chrétien qui vit dans la tiédeur remplit encore assez régulièrement ses devoirs, du moins, en apparence. Il fera bien tous les matins sa prière à genoux. Il fréquentera bien les sacrements, tous les ans, à Pâques, et même plusieurs fois l’année. Mais en tout cela, il y a tant de dégoût, tant de lâcheté et tant d’indifférence, si peu de préparation, si peu de changement  dans sa manière de vivre, que l’on voit clairement qu’il ne s’acquitte de ses devoirs que par l’habitude et par routine, parce que c’est une fête, et qu’il a l’habitude de les remplir en ce temps-là. Ses confessions et ses communions ne sont pas sacrilèges, si vous le voulez, mais ce sont des confessions et des communions sans fruit, qui, bien loin de le rendre plus parfait et plus agréable à Dieu, ne les rendent que plus coupables. Pour ses prières, Dieu seul sait comment elles sont faites : hélas ! Sans préparation. Le matin, ce n’est pas du bon Dieu qu’il s’occupe, ni du salut de sa pauvre âme ; mais il ne pense qu’à bien travailler. Son esprit est tellement enveloppé des choses de la terre que la pensée de Dieu n’y a point de place. Il pense à ce qu’il fera dans la journée, où il enverra ses enfants et ses domestiques, de quelle manière il s’y prendra pour activer son ouvrage. Pour faire sa prière, il se met à genoux, il est vrai, mais il ne sait ni ce qu’il veut demander au bon Dieu, ni ce qui lui est nécessaire, ni même devant qui il se trouve. Ses manières, si peu respectueuses, l’annoncent bien. C’est un pauvre qui, quoique bien misérable, ne veut rien et aime sa pauvreté. C’est un malade presque désespéré, qui méprise les médecins et les remèdes, et aime ses infirmités. Vous voyez cette âme tiède ne faire aucune difficulté de parler, sous le moindre prétexte, dans le cours de ses prières. Un rien les lui fait abandonner, en partie, du moins, pensant qu’elle les fera à un autre moment. Veut-elle offrir sa journée à Dieu, dire son bénédicité et ses grâces ? Elle fait tout cela, il est vrai, mais souvent sans penser à qui elle parle. Elle ne quittera même pas son travail. Est-ce un homme ? Il tournera son bonnet ou son chapeau entre ses mains, comme pour examiner s’il est bon ou mauvais, comme s’il avait dessein de le vendre. Est-ce une femme ? Elle les récitera en coupant le pain de sa soupe, ou en poussant son bois au feu, ou bien en criant après ses enfants ou ses domestiques. Les distractions dans la prière ne sont pas bien volontaires, si vous le voulez. On aimerait mieux ne pas les avoir.  Mais, parce qu’il faut se faire quelque violence pour les chasser, on les laisse aller et venir à leur gré.

Une âme tiède ne travaille peut-être pas, le saint jour du dimanche, à des ouvrages qui paraissent défendus aux personnes qui ont un peu de religion ; mais faire quelques points d’aiguille, arranger quelque chose dans le ménage, envoyer ses bergers aux champs, durant les offices, sous prétexte qu’ils n’ont pas bien de quoi donner à leurs bêtes : ils ne s’en font pas de scrupule, et ainsi aiment mieux laisser périr leur âme et celles de leurs ouvriers que laisser périr leurs bêtes. Un homme arrangera ses outils, ses charrettes pour le lendemain ; il ira visiter ses terres, il bouchera un trou, il coupera quelques cordes, il apportera des seillons et les arrangera. Qu’en pensez-vous, mes frères ? N’est-ce pas, hélas ! La vérité toute pure ?...

Une âme tiède se confessera encore tous les mois, et même bien souvent. Mais hélas ! Quelles confessions ? Point de préparation, points de désirs de se corriger, du moins ils sont si faibles et si petits, que le premier coup de vent les renverse. Toutes ces confessions ne sont qu’une répétition des anciennes, bienheureux encore s’ils n’ont rien à y ajouter. Il y a vingt ans qu’ils accusaient ce qu’ils accusent aujourd’hui. Dans vingt ans s’ils se confessent encore, ce sera la même répétition. Une âme tiède ne commettra pas, si vous voulez, de gros péchés. Mais une médisance, un mensonge, un sentiment de haine, d’aversion, de jalousie, une petite dissimulation ne lui coûtent guère. Si vous ne lui portez pas tout le respect qu’elle croit mériter, elle vous le fera bien apercevoir, sous prétexte que l’on offense le bon Dieu ; elle devrait plutôt dire : parce qu’on l’offense elle-même. Il est vrai qu’elle ne laissera pas de fréquenter les sacrements, mais ses dispositions sont dignes de compassion. Le jour où elle veut recevoir son Dieu, elle passera une partie de la matinée à penser à ses affaires temporelles. Si c’est un homme, il pensera à ses marchés ou à ses ventes. Si c’est une femme, elle pensera à son ménage et à ses enfants. Si c’est une fille, à la manière dont elle va s’habiller. Si c’est un garçon, il rêvera à quelques plaisirs frivoles, et le reste. Elle renferme son Dieu comme dans une prison obscure et malpropre. Elle ne lui donne pas la mort, mais il est dans ce cœur sans joie et sans consolation. Toutes ces dispositions annoncent que sa pauvre âme n’a plus qu’un souffle de vie. Après avoir reçu la sainte communion, cette personne ne pense guère plus au bon Dieu que les autres jours. Sa manière de vivre nous annonce qu’elle n’a pas connu la grandeur de son bonheur.

Une personne tiède réfléchit peu sur l’état de sa pauvre âme, et ne revient presque jamais sur la passé. Si elle pense cependant à mieux faire, elle croit qu’ayant confessé ses péchés, elle doit être parfaitement tranquille. Elle assiste à la sainte messe, à peu près comme à une action ordinaire. Elle y pense peu sérieusement, et ne fait point de difficulté de causer de différentes choses en y allant. Elle ne pensera même peut-être une seule fois qu’elle va participer au plus grand de tous les dons que le bon Dieu puisse nous faire, tout Dieu qu’il est. Pour les besoins de son âme, elle y pense, il est vrai, mais bien faiblement. Souvent même elle se présente devant le bon Dieu sans savoir  ce qu’elle va lui demander. Elle se fait peu de scrupules de retrancher, sous le moindre prétexte, la Passion, la procession et l’eau bénite. Pendant les saints offices, elle ne veut pas dormir, il est vrai, et elle a même peur qu’on l’aperçoive, mais elle ne se fait pas la moindre violence. Quant aux distractions pendant la prière ou la sainte messe, elle ne voudrait pas les avoir. Mais comme il faudrait un peu combattre, elle les souffre avec patience, cependant, sans les aimer. Les jours de jeûne se réduisent presque à rien, soit parce qu’on avance l’heure du repas, soit parce qu’on collationne abondamment, ce qui revient à un souper, sous le prétexte que le ciel ne se prend pas par famine. Quand elle fait quelques bonnes actions, souvent son intention n’est pas bien purifiée : tantôt c’est pour faire plaisir à quelqu’un, tantôt c’est par compassion, et quelquefois pour plaire au monde. Avec eux, tout ce qui n’est pas un gros péché est assez bien… Ils aiment à faire le bien, mais ils voudraient qu’il ne leur coûtât rien, ou du moins, bien peu. Ils aimeraient encore à voir les malades, mais il faudrait que les malades vinssent les voir eux-mêmes. Ils ont de quoi faire l’aumône, ils savent bien que telle personne en a besoin ; mais ils attendent qu’elle vienne le leur demander, au lieu de la prévenir ; ce qui rendrait leur bonne œuvre bien plus méritoire. Disons mieux, mes frères, une personne qui mène une vie tiède ne laisse pas que de faire beaucoup de bonnes œuvres, de fréquenter les sacrements, d’assister régulièrement à tous les saints offices ; mais en tout cela, vous ne voyez qu’une foi faible, languissante, une espérance que la moindre épreuve renverse, un amour de Dieu et pour le prochain qui est sans ardeur, sans plaisir. Tout ce qu’elle fait n’est pas tout à fait perdu, mais peu s’en faut.

Voyez devant le bon Dieu, mes frères, de quel côté vous êtes. Du côté des pécheurs, qui ont tout abandonné, se plongent dans le péché, sans remords ? Du côté des âmes justes qui ne voient et ne cherchent que Dieu seul ? Ou bien êtes-vous du nombre de ces âmes lâches, tièdes et indifférentes, telles que nous venons de les dépeindre ? Dans quel chemin marchons-nous ? Qui pourra s’assurer qu’il n’est ni grand pécheur, ni tiède ; mais qu’il est élu ! Hélas ! Mes frères, combien semblent être de bons chrétiens aux yeux du monde, qui sont des âmes tièdes aux yeux de Dieu qui connaît notre intérieur…

Demandons au bon Dieu de tout notre cœur, si nous sommes dans cet état, de nous faire la grâce d’en sortir, pour prendre la route que tous les saints ont prise, afin d’arriver au bonheur dont ils jouissent. C’est ce que je vous souhaite…

 

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