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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
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NOTRE DAME MIRACULEUSE DES ROSES ET MAMMA ROSA
20 mars 2012

Qu'est-ce que LA MORT DE JESUS SUR LA CROIX ? 5ème Mystère Douloureux du Rosaire

LA MORT DE JESUS SUR LA CROIX

(Tiré du 9ème Volume de

« L’Evangile tel qu’il m’a été révélé »)

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Quatre hommes musclés, qui par leur aspect me paraissent juifs et juifs dignes de la croix plus que les condamnés, certainement de la même catégorie que les flagellateurs, sautent d’un sentier sur le lieu du supplice. Ils sont vêtus de tuniques courtes et sans manche et ils ont dans les mains des clous, des marteaux et les cordes qu’ils montrent aux condamnés en se moquant d’eux. La foule est agitée par un délire cruel.

Le centurion offre à Jésus l’amphore pour qu’il boive la mixture anesthésique du vin myrrhé. Mais Jésus la refuse. Les deux larrons, au contraire, en boivent beaucoup. Puis l’amphore, à la bouche largement évasée, est placée près d’une grosse pierre, presque en haut de la cime.

On donne aux condamnés l’ordre de se dévêtir. Les deux larrons le font sans aucune pudeur. Ils s’amusent même à faire des actes obscènes vers la foule et en particulier vers le groupe sacerdotal tout blanc dans ses vêtements de lin et qui est revenu tout doucement sur la petite place plus basse, en profitant de sa qualité pour s’insinuer à cet endroit. Aux prêtres se sont unis deux ou trois pharisiens et d’autres puissants personnages que la haine rend amis.

Les bourreaux offrent aux condamnés trois loques pour qu’ils se les attachent à l’aine, et les larrons les prennent avec les plus horribles blasphèmes. Jésus, qui se déshabille entement à cause de la douleur des blessures, la refuse. Il pense peut-être garder les courtes culottes qu’il a gardées même dans la flagellation. Mais quand on Lui dit de les enlever, il tend la main pour mendier le chiffon aux bourreaux pour cacher sa nudité. C’est vraiment l’Anéanti jusqu’à devoir demander un chiffon aux criminels.

Mais Marie l’a vu et elle a enlevé le long et fin linge blanc qui lui voile la tête sous le manteau foncé et dans lequel elle a déjà versé tant de pleurs. Elle l’enlève sans faire tomber le manteau, le donne à jean pour qu’il le présente à Longin pour son Fils. Le centurion prend le voile sans difficulté. Quand Jésus va se déshabiller complètement, en se tournant non vers la foule mais vers le côté où il n’y a personne, montrant ainsi son dos sillonné de bleus et des ampoules saignant par les blessures ouvertes où par les croûtes sombres, Longin Lui présente le voile maternel. Il s’en enveloppe en lui faisant faire plusieurs fois le tour du bassin en le fixant bien pour qu’il ne tombe pas… Et sur le lin baigné seulement jusqu’alors de pleurs, tombent les premières gouttes de sang, car de nombreuses blessures à peine couvertes de sang coagulé, quand il se baisse pour enlever ses sandales et déposer ses vêtements, se sont rouvertes, et le sang recommence à couler.

Maintenant, Jésus se tourne vers la foule, et on voir ainsi que la poitrine aussi, les bras, les jambes ont été toutes frappées par les fouets. A la hauteur du foie, il y a un énorme bleu et sous l’arc costal gauche il y a sept traces en relief, terminées par sept petites déchirures sanglantes à l’intérieur d’un cercle violacé…un coup féroce de fouet dans cette région si sensible du diaphragme. Les genoux, contusionnés par les chutes répétées qui ont commencé tout de suite après sa capture et se sont terminées sur la calvaire, sont noirs d’hématomes et ouverts sur la rotule, spécialement le genou droit, en une vaste déchirure sanglante.

Les larrons sont attachés sur la croix et amenés à leur place, l’un à droite, l’autre à gauche par rapport à celle destinée à Jésus. Ils poussent des cris, des imprécations, des malédictions et surtout lorsque les croix sont portées près du trou et les secouent, alors que leurs poignets sont sciés par les cordes, leurs blasphèmes contre Dieu, contre la Loi, les romains et les juifs sont infernaux.

C’est le tour de Jésus. Doux, il s’allonge sur le bois. Les deux larrons étaient tellement rebelles, que n’arrivant pas à le faire, les quatre bourreaux avaient dû demander l’intervention des soldats pour les tenir, pour qu’à coups de pieds ils ne repoussent pas les argousins qui les attachaient par les poignets. Mais pour Jésus, il n’est pas besoin d’aide. Il se couche et met la tête où on Lui dit de la mettre. Il ouvre les bras comme on Lui dit de le faire, allonge les jambes comme on le Lui ordonne. Il s’occupe seulement de bien ajuster son voile. Maintenant son long corps, mince et blanc, se détache sur le bois sombre et le sol jaunâtre.

Deux bourreaux s’assoient sur la poitrine pour la tenir immobile. Et je pense à l’oppression et à la souffrance qu’il doit avoir ressenties sous ce poids. Un troisième Lui prend le bras droit en le tenant d’une main à la première partie de l’avant-bras et de l’autre au bout des doigts. Le quatrième, qui a déjà dans les mains le long clou dont la tige quadrangulaire et en pointe se termine en une plaque arrondie et plate, large comme un sou d’autrefois, regarde si le trou déjà fait dans le bois correspond à la jointure radio-ulnaire du poignet. Il va bien. Le bourreau applique la pointe du clou au poignet, lève le marteau et donne le premier coup.

Jésus qui avait les yeux fermés, pousse un cri et a une contraction à la suite de la douleur aigue et ouvre les yeux qui nagent dans les larmes. Ce doit être une douleur atroce qu’il éprouve…Le clou pénètre en rompant les muscles, les veines, les nerfs, en brisant les os…

Marie répond au cri de son Fils torturé par un gémissement qui a quelque chose de la plainte d’un agneau qu’on égorge, et elle se courbe, comme brisée, en tenant sa tête dans ses mains. Jésus pour ne pas la torturer ne crie plus. Mais les coups sont là, méthodiques, âpres, du fer contre le fer…et on pense que dessous c’est un membre vivant qui les reçoit.

La main droite est clouée. On passe à la gauche. Le trou ne correspond pas au carpe. Alors ils prennent une corde, lient le poignet gauche et tirent jusqu’à déboiter la jointure et arracher les tendons et les muscles sans compter qu’ils déchirent la peau déjà sciée par les cordes de la capture. L’autre main aussi doit souffrir  car elle est étirée par contre coup et autour de son clou, le trou s’élargit. Maintenant on arrive à peine au commencement du métacarpe, près du poignet. Ils se résignent et ils clouent là où ils peuvent, c’est-à-dire entre le pouce et les autres doigts, exactement au centre du métacarpe. Là le clou entre plus facilement mais avec une plus grande souffrance car il doit couper des nerfs importants, si bien que les doigts restent inertes alors que ceux de la main droite ont des contractions et des tremblements qui indiquent leur vitalité. Mais Jésus ne crie plus, il pousse seulement une plainte rauque derrière ses lèvres fortement fermées, et des larmes de douleur tombent par terre après être tombées sur le bois…

Maintenant, c’est le tour des pieds. A deux mètres et plus de l’extrémité de la croix, il y a un petit coin, à peine suffisant pour un pied. On y porte les pieds pour voir si la mesure est bonne, et comme il est un peu bas, et que les pieds arrivent difficilement, on étire par les chevilles le pauvre Martyr. Le bois rêche de la croix frotte ainsi sur les blessures, déplace la couronne qui ainsi arrache de nouveaux cheveux et menace de tomber. Un bourreau, d’un coup de poing, la remet en place…

Maintenant ceux qui étaient assis sur la poitrine de Jésus se lèvent pour se placer sur les genoux, car Jésus a un mouvement involontaire pour retirer ses jambes en voyant briller au soleil le clou très long qui, en longueur et en largeur est le double de ceux qui ont servi pour les mains. Et ils pèsent sur les genoux écorchés et pressent les pauvres jambes couvertes de contusions pendant que les deux autres accomplissent le travail, beaucoup plus difficile, de clouer un pied sur l’autre, en cherchant à combiner ensemble les deux jointures des tarses.

Bien qu’ils s’appliquent à tenir les pieds immobiles à la cheville et aux doigts, contre le coin, le pied qui est dessous se déplace à cause de la vibration du clou, et ils doivent le déclouer presque parce qu’après être entré dans les parties molles, le clou, déjà épointé pour avoir traversé le pied droit, doit être amené un peu plus vers le milieu. Et ils frappent, frappent, frappent…On n’entend que le bruit atroce du marteau sur la tête du clou, car sur tout le Calvaire, ce ne sont que yeux et oreilles tendues, pour recueillir tout geste et tout bruit, en jouir…

Par-dessus le son âpre du fer, on entend la plainte sourde d’une colombe : le rauque gémissement de Marie, qui se courbe de plus en plus à chaque coup, comme si le marteau la blessait Elle, la Mère Martyre. Et on comprend qu’elle semble près d’être brisée par cette torture. La crucifixion est redoutable, égale à la flagellation pour la douleur, plus atroce à voir car on voit le clou disparaitre dans les chairs vivantes, mais, en compensation, elle est plus brève. Alors que la flagellation épuise par sa durée.

Pour moi, l’Agonie du Jardin, la Flagellation et la Crucifixion sont les moments les plus atroces. Elles me dévoilent toute la torture du Christ. La mort me soulage car je me dis : « C’est fini ! ». Mais elles ne sont pas la fin. Elles sont le commencement pour de nouvelles souffrances.

Maintenant la croix est tramée près du clou et elle rebondit sur le sol inégal, en secouant le pauvre Crucifié. On dresse la croix qui échappe par deux fois à ceux qui la lèvent et retombe une fois soudainement, et une autre fois sur le bras droit de la croix, en donnant un affreux tourment à Jésus, car la secousse qu’il subit déplace les membres blessés.

Mais quand ensuite on laisse tomber la croix dans son trou et, avant d’être immobilisée avec des pierres et de la terre, elle ondule en tous les sens en imprimant de continuels déplacements au pauvre Corps suspendu à trois clous, la souffrance doit être atroce. Tout le poids du corps se déplace en avant et vers le bas, et les trous s’élargissent, en particulier celui de la main gauche, et s’élargit le trou des pieds alors que le sang coule plus fort. Le sang des pieds coule le long des doigts par terre et le long du bois de la croix ; celui des mains suit les avant-bras, car ils sont plus hauts aux poignets qu’aux aisselles, par suite de la position, et il coule aussi le long des côtes en descendant de l’aisselle vers la taille. La couronne, quand la croix ondule avant d’être fixée, se déplace car la tête se rabat vers l’arrière, en enfonçant dans la nuque le gros nœud d’épines qui termine la couronne piquante, et puis revient se placer sur le front et griffe, griffe sans pitié. Finalement la croix est bien en place et il n’y a que le tourment d’y être suspendue.

On dresse aussi les larrons qui, une fois mis verticalement, crient comme si on les écorchait vifs à cause de la torture des cordes qui scient les poignets et rendent les mains noires, en gonflant les veines comme des cordes.

Jésus se tait. La foule ne se tait plus, au contraire, mais reprend son vacarme infernal.

Maintenant la cime du Golgotha a son trophée et sa garde d’honneur. A la limite la plus élevée la croix de Jésus, aux côtés les deux autres. Une demie centurie de soldats, l’arme au pied, tout autour du sommet ; à l’intérieur de ce cercle d’hommes armés, les dix cavaliers maintenant démontés qui jouent aux dés les vêtements des condamnés. Debout, entre la croix de Jésus et celle de droite, Longin. Il semble monter la garde d’honneur a Roi Martyr. L’autre demie centurie, au repos, est aux ordres de l’aide de camp de Longin sur le sentier de gauche et sur la place plus basse, en attendant d’être employée s’il en était besoin. De la part des soldats, c’est une indifférence à peu près totale. Seul quelqu’un lève parfois son visage vers les crucifiés.

Longin, au contraire, observe tout avec curiosité et intérêt, il confronte et juge mentalement. Il confronte les crucifiés, et le Christ spécialement, avec les spectateurs. Son œil pénétrant ne perd aucun détail et, pour mieux voir, de la main il protège ses yeux car le soleil doit le gêner.

C’est en fait un soleil étrange, d’un jaune rouge d’incendie. Et puis il semble que l’incendie s’éteigne tout à coup à cause d’un nuage noir comme de la poix qui surgit de derrière les chaînes juives et qui parcourt rapidement le ciel et va disparaître derrière d’autres montagnes. Et quand le soleil revient, il est si vif que l’œil ne le supporte que difficilement.

En regardant, il voit Marie juste au-dessous du talus, qui tient levé vers son Fils son visage déchiré. Il appelle un des soldats qui joue aux dés et lui dit : « Si la Mère veut monter avec le Fils qui l’accompagne, qu’elle vienne. Accompagne-la et aide-la ».

Et Marie avec Jean, que l’on croit son « fils », monte par un petit escalier creusé dans le tufeau, je crois, et franchit le cordon de soldats pour aller au pied de la croix, mais un peu à l’écart pour être vue et pour voir son Jésus. La foule lui déverse aussitôt les insultes les plus outrageantes, en la joignant dans les blasphèmes à son Fils. Mais elle, de ses lèvres tremblantes et blanches, cherche seulement à le réconforter, avec un sourire déchiré sur lequel viennent s’essuyer les larmes qu’aucune force de volonté ne réussit à retenir dans les yeux.

Le larron de gauche continue ses insultes du haut de sa croix. Il semble qu’il ait voulu rassembler tous les blasphèmes d’autrui et il les débite tous, en disant pour finir : « Sauve-Toi et sauve-nous, si tu veux que l’on te croie. Le Christ, Toi ? Tu es un fou ! Le monde appartient aux fourbes et Dieu n’existe pas. Moi j’existe.

Cela est vrai, et pour moi tout est permis. Dieu ? Fariboles ! Mises pour nous tenir tranquilles. Vive notre moi ! Lui seul est roi et Dieu ! »

L’autre larron, celui de droite, a Marie presque à ses pieds et il la regarde presque plus qu’il ne regarde le Christ. Depuis un moment, il pleure en murmurant : « La Mère » et il dit : « Tais-toi. Tu ne crains pas Dieu, même maintenant que tu souffres cette peine ? Pourquoi insultes-tu celui qui est bon ? Et son supplice est encore plus grand que le nôtre. Et il n’a rien fait de mal ».

Mais l’autre continue ses imprécations.

Jésus se tait. Haletant à cause de l’effort qui Lui impose sa position, à cause de la fièvre et de son état cardiaque et respiratoire, conséquence de la flagellation subie sous une forme aussi violente, et aussi de l’angoisse profonde qui Lui fait suer sang, il cherche à se procurer un soulagement, en allégeant le poids qui pèse sur ses pieds, en se suspendant à ses mains par la force des bras. Peut-être le fait-il pour vaincre un peu la crampe qui déjà tourmente ses pieds et que trahit un frémissement  musculaire. Mais le même frémissement affecte les fibres des bras, qui sont forcés dans cette position  et doivent être gelés à leurs extrémités parce que placés plus haut et délaissés par le sang, qui arrive difficilement aux poignets et puis coule par les trous des clous en laissant les doigts sans circulation. Surtout ceux de gauche sont déjà cadavériques et restent sans mouvement, repliés vers la paume. Même les doigts des pieds expriment leur tourment. En particulier les gros orteils, peut-être parce que leur nerf est moins blessé, se lèvent, s’abaissent, s’écartent.

Le tronc révèle toute sa peine avec son mouvement rapide mais sans profondeur, qui le fatigue sans le soulager. Les côtes, très larges et élevées d’elles-mêmes, car la structure de ce corps est parfaite, sont maintenant dilatées plus qu’il ne faut à cause de la position prise par le corps et de l’œdème pulmonaire qui s’est surement formé à l’intérieur. Et pourtant elles ne servent pas à alléger l’effort respiratoire d’autant plus que tout l’abdomen aide par son mouvement son diaphragme, qui se paralyse de plus en plus.

La congestion et l’asphyxie grandissent de minute en minute, comme l’indique la couleur cyanotique qui souligne les lèvres d’un rose allumé par la fièvre, et les étirements d’un rouge violet qui badigeonne le cou le long des veines jugulaires gonflées, et s’élargissent jusqu’aux joues, vers les oreilles et les tempes, alors que le nez est effilé et exsangue et que les yeux s’enfoncent en un cercle, qui est livide là où il est privé du sang que la couronne a fait couler.

Sous l’arc costal gauche on voit le coup propagé à partir de la pointe du cœur, irrégulier, mais violent, et de temps en temps, par l’effet d’une convulsion interne, le diaphragme a un frémissement profond qui se manifeste par une détente totale de la peau dans la mesure où elle peut s’étendre sur ce pauvre corps blessé et mourant.

Le visage a déjà l’aspect que nous voyons dans la photographie du Linceul, avec le nez dévié et gonflé d’un côté, et même le fait de tenir l’œil droit presque fermé, à cause de l’enflure qui existe de ce côté, augmente la ressemblance. La bouche, au contraire, est ouverte, avec sa blessure sur la lèvre supérieure désormais réduite à une croûte.

La soif, donnée par la perte de sang, par la fièvre et par le soleil, doit être intense, au point que Lui, par un mouvement machinal, boit les gouttes de sa sueur et de ses larmes, et aussi les gouttes de sang qui descendent du front jusqu’à ses moustaches et il s’en humecte la langue…

La couronne d’épines l’empêche de s’appuyer au tronc de la croix pour aider la suspension par les bras et soulager ses pieds. Les reins et toute l’épine dorsale se courbent vers l’extérieur en restant détachés du tronc de la croix à partir du bassin vers le haut, à cause de la force d’inertie qui fait pencher en avant un corps suspendu comme était le sien.

Les juifs, repoussés au-delà de la petite place, ne cessent pas leurs insultes et le larron impénitent leur fait écho.

L’autre, qui maintenant regarde la Mère avec une pitié toujours plus grande, et pleure, lui riposte âprement quand il se rend compte qu’elle aussi est comprise dans l’insulte. « Tais-toi ! Rappelle-toi que tu es né d’une femme. Et réfléchis que les nôtres ont pleuré à cause de leurs fils, et ce furent des larmes de honte…parce que nous sommes des criminels. Nos mères sont mortes…Je voudrais pouvoir lui demander pardon…Mais le pourra-je ? C’était une sainte…Je l’ai tuée par la douleur que je lui ai donnée…Je suis un pécheur…Qui me pardonne ? Mère, au nom de ton Fils mourant, prie pour moi ».

La Mère lève un moment son visage torturé et elle le regarde, ce malheureux qui a travers le souvenir de sa mère et la contemplation de la Mère va vers le repentir, et elle paraît le caresser de son regard de colombe.

Dismas pleure plus fort, ce qui déchaîne encore plus les moqueries de la foule et de son compagnon. La première crie : « Bravo ! Prends-la pour mère. Ainsi elle a deux fils criminels ! » Et l’autre renchérit : « Elle t’aime car tu es une copie mineure de son bienaimé ».

Jésus parle pour la première fois : « Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font ! ».

Cette prière vainc toute crainte chez Dismas. Il ose regarder le Christ et dit : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume. Pour moi, il est juste que je souffre ici. Mais donne-moi miséricorde et paix au-delà de la vie. Une fois, je t’ai entendu parler et, dans ma folie, j’ai repoussé ta parole. Maintenant, je m’en repens. De mes péchés, je me repens devant Toi, Fils du Très-Haut. Je crois que tu viens de Dieu. Je crois en ton pouvoir. Je crois en ta miséricorde. Christ, pardonne-moi au nom de ta Mère et de ton Père Très Saint ».

Jésus se tourne et le regarde avec une profonde pitié et il a un sourire encore très beau sur sa pauvre bouche torturée. Il dit : « Moi, je te le dis : aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis ».

Le larron repenti se calme et, ne sachant plus les prières apprises pendant son enfance, il répète comme une oraison jaculatoire : « Jésus Nazaréen, roi des juifs, aie pitié de moi. Jésus Nazaréen, roi des juifs, j’espère en Toi. Jésus Nazaréen, roi des juifs, je crois à ta Divinité ».

L’autre persiste dans ses blasphèmes.

Le ciel devient toujours plus sombre. Maintenant, c’est difficilement que les nuages s’ouvrent pour laisser passer le soleil. Mais ils s’amoncellent en couches de plus en plus sombres, blanches, verdâtres, se surmontent, se démêlent selon les caprices d’un vent froid qui parcourt le ciel à intervalles et puis descend sur la terre et puis se tait de nouveau, et l’air est presque plus sinistre quand il se tait, étouffant et mort, que quand il siffle, coupant et rapide.

La lumière, d’abord vive outre mesure, est en train de devenir verdâtre. Les visages prennent des aspects bizarres. Les soldats, sous leurs casques et dans leurs cuirasses d’abord brillantes et devenues maintenant comme enveloppées dans une lumière verdâtre et sous un ciel de cendre, présentent des profils durs comme s’ils étaient sculptés. Les juifs, en majorité bruns de peau et de cheveux et de barbe, paraissent des noyés tant leurs visages deviennent terreux. Les femmes semblent des statues de neige bleutée à cause de leur pâleur exsangue que la lumière accentue.

Jésus semble devenir sinistrement livide, comme s’il commençait à se décomposer, comme s’il était déjà mort. La tête commence à retomber sur la poitrine. Ses forces lui manquent rapidement. Il tremble malgré la fièvre qui le brûle. Et dans sa faiblesse, il murmure le nom que d’abord il a seulement dit du fond du cœur : « Maman ! » « Maman ! ». Il le murmure doucement  comme dans un soupir, comme s’il éprouvait déjà un léger délire qui l’empêche de retenir  ce que sa volonté voudrait. Et Marie chaque fois ne peut s’empêcher de Lui tendre les bras comme pour le secourir. Les gens cruels rient de ce spasme du Mourant et de celle qui le partage.

Les prêtres et les scribes montent de nouveau par derrière les bergers, qui cependant sont sur la petite place basse. Comme les soldats voudraient les repousser, ils réagissent en disant : « N’y sont-ils pas des galiléens ? Nous devons y être nous aussi qui devons vérifier que justice soit faite complètement, et nous ne pouvons pas voir de loin dans cette lumière étrange ».

En fait, beaucoup commencent à s’impressionner de la lumière qui est en train d’envelopper le monde et certains ont peur. Les soldats aussi regardent le ciel et une sorte de cône, qui semble de l’ardoise tant il est sombre et qui s’élève comme un pin de derrière un sommet. Il semble que ce soit une trombe marine. Il s’élève, s’élève et il semble qu’il produise des nuages  de plus en plus noirs, comme si c’était un volcan vomissant de la fumée et de la lave.

C’est dans cette lumière crépusculaire et effrayante  que Jésus donne Jean à Marie et Marie à Jean. Il penche la tête car la Mère, pour mieux voir, s’est mise plus près sous la croix, et il lui dit : « Femme, voila ton fils. Fils, voila ta Mère ».

Marie a le visage encore plus bouleversé après cette parole qui est le testament de son Jésus, qui n’a rien à donner à sa Mère sinon un homme, Lui qui par amour de l’homme la prive de l’Homme-Dieu qui est né d’elle. Mais elle, la pauvre Mère, s’efforce de ne pleurer que silencieusement car elle ne peut pas, elle ne peut pas ne pas pleurer…Ses larmes coulent malgré les efforts qu’elle fait pour les retenir, bien que sa bouche ait son sourire déchirant qu’elle ixe sur ses lèvres pour Lui, pour le réconforter Lui…

Les souffrances ne cessent de grandir et la lumière ne cesse de décroître.

Les souffrances sont toujours plus fortes. Le corps éprouve les premières cambrures de la tétanie et chaque clameur de la foule les exaspère. La mort des fibres et des nerfs s’étend des extrémités torturées au tronc, rendant de plus en plus difficile le mouvement de la respiration, plus faible la contraction diaphragmatique et plus désordonné le mouvement cardiaque. Le visage du Christ passe alternativement d’une rougeur intense à la pâleur verdâtre de celui qui meurt par hémorragie. La bouche se meut avec une fatigue plus grande car les nerfs sur fatigués du cou et de la tête elle-même, qui des dizaines de fois ont servi de levier à tout le corps, en s’arc-boutant sur la barre transversale de la croix, propagent la crampe jusqu’aux mâchoires. La gorge, enflée par les carotides engorgées, doit faire mal et doit étendre son œdème à la langue qui paraît grossie et dont les mouvements sont très lents. La colonne vertébrale, même dans les moments où les contractions tétanisantes ne la courbent pas en un arc complet de la nuque aux hanches, appuyées comme points extrêmes au tronc de la croix, se courbe de plus en plus en avant, car les membres ne cessent de s’alourdir du poids de la chair morte.

Les gens voient ces choses peu et mal car la lumière est désormais couleur de cendre sombre et seuls peuvent bien voir ceux qui sont au pied de la croix.

Jésus à un certain moment s’affaisse tout entier vers l’avant et le bas, comme s’il était déjà mort, il n’halète plus, la tête pend inerte en avant. Le corps, depuis les hanches vers le haut, est complètement détaché en faisant un angle avec les bras de la croix.

Marie pousse un cri : « Il est mort ! ». Un cri tragique qui se propage dans l’air obscurci. Et Jésus semble réellement mort.

Un autre cri de femme lui répond, et dans le groupe des femmes, je vois un mouvement. Puis une dizaine de personnes s’éloignent en soutenant quelque chose, mais je ne puis voir qui s’éloigne ainsi. Elle est trop faible la lumière brumeuse. On dirait que l’on est plongé dans une nuée épaisse de cendres volcaniques.

« Ce n’est pas possible » crient des prêtres et des juifs. « C’est une feinte pour nous éloigner. Soldats, pique-le de ta lance. C’est un bon remède pour Lui rendre la voix ». Et comme les soldats ne le font pas, une volée de pierres et de mottes de terre volent vers la croix, frappant le Martyr et retombant sur les cuirasses romaines.

Le remède, comme disent ironiquement les juifs, opère le prodige. Certainement une pierre a frappé adroitement peut-être la blessure d’une main ou la tête elle-même, car ils visaient vers le haut. Jésus pousse un gémissement pitoyable et revient à Lui. Le thorax recommence à respirer avec beaucoup de peine et la tête à se tourner de droite à gauche  en cherchant un endroit pour se poser afin de moins souffrir, sans trouver autre chose qu’une peine plus grande.

Avec une grande peine, en s’appuyant une fois encore sur ses pieds torturés, trouvant la force dans sa volonté, uniquement en elle, Jésus se raidit sur la croix, se dresse comme s’il était un homme sain dans toute sa force , il lève son visage en regardant avec des yeux bien ouverts le monde qui s’étend à ses pieds, la ville lointaine qu’on entrevoit à peine comme une vague blancheur dans la brume, et le ciel noir où tout azur et toute trace de lumière ont disparu. Et vers ce ciel fermé, compact, bas, semblable à une énorme plaque d’ardoise sombre, il pousse un grand cri, triomphant par la force de sa volonté, par le besoin de son âme, de l’obstacle des mâchoires raidies, de sa langue enflée, de sa gorge gonflée : « Eloi, Eloi, lamma scébacténi ! » (Je l’entends parler ainsi). Il doit se sentir mourir, et dans un abandon absolu du Ciel, pour reconnaître par un tel cri l’abandon paternel.

Les gens rient et se moquent. Ils l’insultent : « Dieu n’a que faire de Toi ! Les démons sont maudits de Dieu ! ».

D’autres crient : « Voyons si Elie qu’il appelle vient le sauver ».

Et d’autres : « Donnez-Lui un peu de vinaigre pour qu’il se gargarise la gorge, c’est bon pour la voix. Elie ou Dieu, car on ne sait pas ce que le fou, sont loin…Il faut de la voix pour se faire entendre ! ». Et ils rient comme des hyènes ou comme des démons.

Mais aucun soldat ne donne du vinaigre et personne ne vient du Ciel pour le réconforter. C’est l’agonie solitaire, totale, cruelle, même surnaturellement cruelle, de la Grande Victime.

Elles reviennent les avalanches de douleur désolée qui déjà l’avaient accablé au Gethsémani. Elle revient la marée des péchés du monde entier pour frapper le naufragé innocent, pour l’engloutir dans leur amertume. Elle revient surtout la sensation, plus crucifiante que la croix elle-même, plus désespérante que toute torture que Dieu l’a abandonné et que sa prière ne monte pas vers Lui…

Et c’est le tourment final. Celui qui accélère la mort car il exprime les dernières gouttes de sang des pores, parce qu’il écrase les dernières fibres du cœur, car il termine ce que la première connaissance  de cet abandon a commencé : la mort. Car c’est de cela comme première cause qu’est mort mon Jésus, ô Dieu qui l’as frappé à cause de nous ! Après ton abandon, par l’effet de ton abandon, que devient une créature ? Ou un fou, ou un mort. Jésus ne pouvait pas devenir fou car son intelligence était divine et, spirituelle comme est l’intelligence, elle triomphait du traumatisme total de Celui que Dieu frappait. Il devint donc un mort : le Mort, le Très Saint Mort, le Mort absolument Innocent. Mort, Lui qui était la Vie, tué par ton abandon et par nos péchés.

L’obscurité devient encore plus épaisse. Jérusalem disparaît complètement. Les pentes du Calvaire lui-même semblent s’annuler. Seule la cime est visible, comme si les ténèbres la surélevaient pour recueillir l’unique et dernière lumière qui restait, en la plaçant comme pour une offrande avec son trophée divin, sur une nappe d’onyx liquide, pour qu’elle soit vue par l’amour et la haine.

Et de cette lumière qui n’est pas de la lumière vient la voix plaintive de Jésus : « J’ai soif ! ».

Il y a en effet un vent qui altère même ceux qui sont en bonne santé, un vent continu, maintenant, violent, chargé de poussière, froid, effrayant. Je pense à la douleur qu’il aura donné par son souffle violent aux poumons, au cœur, au gosier de Jésus, à ses membres glacés, engourdis, blessés. Mais vraiment, tout s’est mis à torturer le Martyr.

Un soldat va à un vase où les aides du bourreau ont mis du vinaigre avec du fiel parce que, par son amertume, il augmente la salivation chez les suppliciés. Il prend l’éponge plongée dans le liquide, l’enfile au bout d’un roseau fin et pourtant rigide qui est déjà préparé tout prêt et il présente l’éponge au Mourant. Jésus se tend avidement vers l’éponge qui approche. On dirait un enfant affamé qui cherche le sein maternel.

Marie qui voit et certainement a cette pensée, gémit, en s’appuyant sur Jean : « Oh ! Je ne puis même pas Lui donner une goutte de mes pleurs…oh ! Mon sein, pourquoi ne donnes-tu plus de lait ? Oh ! Dieu, pourquoi nous abandonnes-tu ainsi ? Un miracle pour mon Fils ! Qui me soulève pour que je le désaltère de mon sang, puisque je n’ai pas de lait ?... ».

Jésus qui a sucé avidement l’âpre et amère boisson, détourne la tête,  dégoûté. Cette boisson doit en plus brûler les lèvres blessées et gercées.

Il se retire, s’affaisse, s’abandonne. Tout le poids du corps retombe sur les pieds et en avant. Ce sont les extrémités blessées qui souffrent la peine atroce de s’ouvrir sous le poids d’un corps qui s’abandonne. Plus un mouvement pour soulager cette douleur. Depuis le bassin jusqu’en haut, tout est détaché du bois et reste ainsi.

La tête pend en avant si pesamment que le cou paraît creusé en trois endroits : à la gorge, complètement enfoncée, et de part et d’autre du sterno cléido-mastoïdien. La respiration est de plus en plus haletante et entrecoupée. C’est déjà plus un râle syncopé qu’une respiration. De temps à autre, un accès de toux pénible apporte aux  lèvres une écume légèrement rosée. Les intervalles entre deux expirations deviennent toujours plus longs. L’abdomen est déjà immobile. Seul le thorax se soulève encore mais avec beaucoup de difficulté et de peine…La paralysie pulmonaire s’accentue toujours plus.

Et toujours plus faible, se transformant en une plainte enfantine, l’appel : « Maman ! ». Et la malheureuse murmure : « Oui, mon Trésor, je suis ici ». Et quand la vue qui se voile Lui fait dire : « Maman, où es-tu ? Je ne te vois plus. Toi aussi tu m’abandonnes ? », ce n’est même plus une parole mais un murmure à peine audible pour qui recueille avec le cœur plutôt qu’avec l’ouïe tous les soupirs du Mourant. Elle dit : « Non, non,  Fils ! Moi, je ne t’abandonne pas ! Ecoute-moi mon Aimé…Maman est ici, elle est ici…et son seul tourment est de ne pas pouvoir venir où tu es… ». C’est un déchirement…

Et Jean pleure sans retenue. Jésus doit entendre ses sanglots mais il ne dit rien. Je pense que la mort imminente le fait parler comme s’il délirait et il ne sait même pas ce qu’il dit et, malheureusement, ne comprend pas même le réconfort maternel et l’amour du Préféré.

Longin, qui a quitté son attitude de repos avec les mains croisées sur la poitrine et les jambes croisées, à cause de la longueur de l’attente, reposant tantôt un pied tantôt l’autre, et maintenant au contraire se raidit dans le garde-à-vous, la main gauche sur son épée, la main droite pendant le long de son côté comme s’il était sur les marches du trône impérial, ne veut pas s’émouvoir. Mais son visage s’altère dans l’effort qu’il fait pour vaincre l’émotion et ses yeux brillent d’une larme que seule retient sa discipline de fer.

Les autres soldats, qui jouaient aux dés, ont cessé, et se sont levés pour remettre les casques qui aveint servi pour agiter les dés, et se tiennent en groupe près du petit escalier creusé dans le tuffeau, silencieux, attentifs. Les autres sont de service et ne peuvent changer de position. On dirait des statues. Mais l’un des plus proches et qui entend les paroles de Marie, bougonne quelque chose entre ses lèvres et hoche la tête.

Un silence. Puis nette dans l’obscurité totale, la parole : « Tout est accompli ! », et ensuite c’est le halètement de plus en plus rauque avec, entre les râles, des intervalles de silence de plus en plus longs.

Le temps court sur ce rythme angoissé. La vie revient quand l’air est rompu par le halètement âpre du Mourant…La vie cesse quand ce son pénible ne s’entend plus. On souffre de l’entendre…on souffre de ne pas l’entendre…On dit : « C’est assez de souffrance ! » et on dit : « Oh ! Dieu ! Que ce ne soit pas son dernier soupir ! ».

Toutes les Marie pleurent, la tête contre le talus. Et on entend bien leurs sanglots car maintenant toute la foule se tait de nouveau pour recueillir les râles du mourant.

Encore un silence. Puis, prononcée avec une infinie douceur, dans une ardente prière : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit ! ».

Encore un silence. Le râle devient aussi léger. Ce n’est plus qu’un souffle qui sort des lèvres et de la gorge.

Puis, voilà, le dernier spasme de Jésus. Une convulsion atroce, qui paraît vouloir arracher du bois le corps qui y est fixé par trois clous, monte par trois fois des pieds à la tête, court à travers tous les pauvres nerfs torturés ; elle soulève trois l’abdomen d’une manière anormale, puis le laisse après l’avoir dilaté comme par un bouleversement des viscères, et il retombe et se creuse comme s’il était vidé ; elle se lève, gonfle, resserre si fortement le thorax que la peau se creuse entre les côtes qui se tendent en apparaissant sous l’épiderme et rouvrant les blessures de la flagellation ; elle porte violemment en arrière une, deux, trois fois la tête qui frappe durement contre le bois ; elle contracte en un seul spasme tous les muscles du visage, en accentuant la déviation de la bouche à droite, elle fait ouvrir et dilater les paupières sous lesquelles on voir rouler le globe oculaire et apparaître la sclérotique. Le corps se tend tout entier ; dans la dernière des trois contractions, c’est un arc tendu, vibrant, terrible à voir, et puis un cri puissant, impensable en ce corps épuisé, se dégage, déchire l’air, le « grand cri » dont parlent les Evangiles et qui es la première partie du mot « Maman »…et plus rien…

La tête retombe sur la poitrine, le corps en avant, le frémissement cesse et cesse aussi la respiration. Il a expiré.

La Terre répond par un grondement effrayant  au cri de Celui qu’on a tué. Il semble, que de milles trombes, des géants font sortir un son unique et, sur cet accord terrifiant, voici les notes isolées, déchirantes des éclairs qui sillonnent le ciel en tous sens, tombant sur la ville, sur le Temple, sur la foule…Je crois qu’il y aura eu des gens foudroyés car la foule est frappée directement. Les éclairs sont l’unique lumière irrégulière qui permette de voir. Et puis tout à coup, pendant que durent encore les décharges de la foudre, la terre s’ébranle en un tourbillon de vent cyclonique. Le tremblement de terre et la trombe d’air  se fondent pour donner un châtiment apocalyptique aux blasphémateurs. Le sommet du Golgotha ondule et danse comme un plat dans la main d’un fou, dans les secousses sussultoires et ondulatoires qui secouent tellement les trois croix qu’il semble qu’elles doivent les renverser.

Longin, Jean, les soldats s’accrochent où ils peuvent, comme ils peuvent, pur ne pas tomber. Mais Jean, pendant qu’avec un bras, il se tient à la croix, avec l’autre soutient Marie qui, à cause de sa douleur et des secousses, s’abandonne sur son cœur. Les autres soldats, et surtout ceux du côté en pente, ont dû se réfugier au milieu pour ne pas être jetés en bas de la pente. Les larrons crient de terreur, la foule crie encore plus fort et voudrait s’enfuir mais elle ne le peut. Les gens tombent les uns sur les autres, s’écrasent, se précipitent dans les fentes du sol, se blessent, roulent le long de la pente, deviennent fous.

Par trois fois se répète le tremblement de terre et la trombe d’air et puis c’est l’immobilité absolue d’un monde mort. Seuls des éclairs mais sans tonnerre, sillonnent encore le ciel et éclairent la scène des juifs qui fuient  dans tous les sens, les mains dans les cheveux, ou tendues en avant, ou levées vers le ciel, méprisé jusque là et dont maintenant ils ont peur. L’obscurité est tempérée par une lueur lumineuse qui, aidée par l’émission silencieuse et magnétique des éclairs, permet de voir que beaucoup restent sur le sol : morts ou évanouis, je ne sais. Une maison brûle à l’intérieur des murs et les flammes s’élèvent droites dans l’air immobile, mettant une nuance de rouge vif sur le vert cendre de l’atmosphère.

Marie lève sa tête de dessus la poitrine de Jean et regarde son Jésus. Elle l’appelle car elle le voit mal dans la faible lumière et avec ses pauvres yeux pleins de larmes. Trois fois, elle l’appelle : « Jésus ! Jésus ! Jésus ! ».C’est la première fois qu’elle l’appelle par son nom depuis qu’il est sur le Calvaire. Enfin dans un éclair qui fait une sorte de couronne sur la cime de Golgotha, elle le voit, immobile, tout penché en avant, avec la tête tellement inclinée en avant, et à droite, au point de toucher l’épaule avec la joue et les côtes avec le menton, et elle comprend. Elle tend ses mains qui tremblent dans l’air obscurci et crie : « Mon Fils ! Mon Fils ! Mon Fils ! ». Puis elle écoute…Elle a la bouche ouverte, elle semble vouloir écouter même avec elle, comme elle a les yeux dilatés pour voir, pour voir… Elle ne peut croire que son Jésus n’est plus…

Jean lui aussi a regardé et écouté et il a compris que tout est fini. De ses bras, il saisit Marie et cherche à l’éloigner en disant : « Il ne souffre plus ».

Mais avant que l’apôtre termine la phrase, Marie, qui a compris, se dégage, tourne sur elle-même, se penche vers le sol, porte les mains à ses yeux et crie : « Je n’ai plus de Fils ! ».

Et puis elle vacille et tomberait si Jean ne la recueillait toute sur son cœur, et puis il s’assoit par terre pour mieux la soutenir sur sa poitrine, jusqu’à ce que les Marie remplacent l’apôtre auprès de la Mère. Elles, en effet, ne sont plus retenues par le cercle supérieur des soldats car, maintenant que les juifs se sont enfuis, ils se sont rassemblés sur la petite place qui est au-dessous pour commenter l’évènement.

C’est alors que Longin s’approche de Jean et lui dit un mot que je ne comprends pas, puis il se fait donner une lance par un soldat. Il regarde les femmes qui s’occupent toutes de Marie qui reprend lentement ses forces. Elles tournent toutes le dos à la croix.

Longin se met en face du Crucifié, étudie bien le coup, et puis le donne. La large lance pénètre profondément de bas en haut, de droite à gauche.

Jean qui se débat entre le désir de voir et l’horreur de la vision, tourne la tête un instant.

« C’est fait, ami » dit Longin et il ajoute : « C’est mieux ainsi. Comme à un cavalier et sans briser les os…C’était vraiment un Juste ! ».

De la blessure suinte beaucoup d’eau et à peine un filet de sang qui déjà forme des grumeaux. Suinte, ai-je dit. Il ne sorte qu’en filtrant par la coupure nette qui reste inerte. S’il avait encore respiré, elle e serait ouverte et fermée par le mouvement du thorax et de l’abdomen…

 

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